L’anachronisme est politique. Dans Django Unchained, Tarantino inocule dans l’Amérique esclavagiste un corps d’homme noir façonné par les codes du hip-hop : pas seulement affranchi mais conquérant et dominateur. Le geste prolonge celui d’Inglourious Basterds, qui déjà transformait en belle incendiaire une jeune femme juive. Exalter la rébellion des victimes, libérer des images que l’histoire n’a pas rendu possibles, […]
L’anachronisme est politique. Dans Django Unchained, Tarantino inocule dans l’Amérique esclavagiste un corps d’homme noir façonné par les codes du hip-hop : pas seulement affranchi mais conquérant et dominateur. Le geste prolonge celui d’Inglourious Basterds, qui déjà transformait en belle incendiaire une jeune femme juive. Exalter la rébellion des victimes, libérer des images que l’histoire n’a pas rendu possibles, tel est désormais le credo du cinéma de Tarantino.
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Quelques mois plus tôt, un clip savoureux de Lana Del Rey ouvrait la marche à Django Unchained, celui du single National Anthem, réalisé par le brillant Anthony Mandler. La chanteuse y rejoue d’abord en robe lamée le « Happy birthday President » de Marilyn. Un contrechamp survient mais dévoile, en lieu et place de Kennedy, un homme noir, une casquette de rappeur vissée à l’envers. Dès lors, le clip déroule le chromo Kennedy, jusqu’a l’attentat. Lana n’y figure plus seulement Marylin, mais aussi Jackie, arborant les mythiques tailleurs et bibis à voilette lors de l’attentat. Lana Del Rey s’ébroue dans l’Amérique sixties mais pour rejouer le match : s’autoriser à être à la fois la maîtresse scandaleuse et l’épouse modèle, précéder d’un demi-siècle l’élection du premier président américain noir, décloisonner tout ce que l’époque de référence tenait cloisonné.
Depuis la sortie l’an dernier de l’essai Rétromania de Simon Reynolds, on a beaucoup commenté la fixation de la pop culture sur son propre passé. Certes, la rétromanie ne tient pas seulement de l’embaumement nostalgique. Avec Tarantino ou les derniers clips de Lana Del Rey, elle se fait iconoclaste. On reprend l’image jusqu’à lui faire comprendre ce qu’elle interdisait. Mais il est troublant que même le désir de subversion devienne aujourd’hui rétromaniaque.
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