L’interview d’Ed Sheeran au magazine “Rolling Stone” n’est pas passée inaperçue et elle révèle bien plus qu’une méconnaissance du métier de critique.
Lu cette semaine sur le compte Twitter du Rolling Stone US : “Ed Sheeran ne voit pas l’intérêt de la critique musicale à l’ère du streaming. ‘Pourquoi avez-vous besoin de lire une critique ? Écoutez ! C’est disponible gratuitement ! Faites-vous votre propre opinion’”. Le post est accompagné d’une photo du chanteur avec son air crétin satisfait et met en avant un article compilant neuf extraits piochés dans l’interview qu’il accorde au magazine culturel américain daté d’avril. La saviez-vous ? Ed Sheeran voulait que Jay-Z apparaisse sur son tube Shape of You, mais ce dernier lui aurait répondu qu’il ne pensait pas que “ce morceau ait besoin d’un couplet rappé”. “Il a vraiment une très, très bonne oreille”, commente ainsi le Britannique. Suffisamment bonne pour ne pas vouloir apparaître sur Shape of You.
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Mais la phrase qui nous intéresse pour l’heure, est celle mise en exergue par le tweet de Rolling Stone. Selon le Mozart de la soupe en brique, la critique musicale ne sert donc à rien aujourd’hui, puisque la musique est mise à disposition gratuitement par les plateformes de streaming, et qu’il suffit de l’écouter pour s’en faire une idée, sans qu’un musicien raté reconverti dans le journalisme ne vienne vous dire quoi en penser. Premièrement : la critique musicale ne donne pas son avis, elle critique. Et deuxièmement : rien ici bas n’est gratuit. Si la musique est “disponible gratuitement”, c’est que les revenus qu’elle génère (et qui permettent au chanteur de vivre, on imagine, confortablement) ne finissent pas dans les bonnes poches. Si l’industrie musicale était un supermarché, les disques d’Ed Sheeran se trouveraient au rayon Liebig. Et même un potage de potiron au Kiri à un prix.
Pour la gouverne de ce bon vieux Ed, le site Music Business Worldwide rapportait cette semaine certains chiffres du streaming, présentés par le cabinet de conseil Luminate au festival South By Southwest (SXSW), rendez-vous mondial incontournable de l’industrie du disque. Selon Rob Jonas, PDG de Luminate, sur 158 millions de titres disponibles sur les plateformes, 67,1 millions ont engendré entre 1 et 10 streams, tandis que 38 millions n’ont pas été écoutés du tout. Quand on sait que quelques milliers d’artistes seulement (dont Ed fait partie) trustent plus de 90 % des écoutes en ligne, il y a de quoi vouloir relancer Occupy Wall Street. La musique n’est pas gratuite, c’est juste que tout le monde ne profite pas de ses revenus.
Édito initialement paru dans la newsletter Musiques du 31 mars. Pour vous abonner gratuitement aux newsletters des Inrocks, c’est ici !
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