Portés par une pythie enfin calmée, les Australiens Howling Bells rendent presque fréquentable le rock ténébreux et ultra-lyrique
Avant même que le groupe ne se mette à tourner avec quelques-uns des champions du monde du stadium-rock épique, tourmenté et grandiloquent (Placebo, The Killers, Snow Patrol…), ces Australiens avaient manifesté un penchant pervers pour le lyrisme échevelé, en choisissant le producteur de Coldplay, Ken Nelson, pour mettre en son leur premier album de 2006. En Angleterre, où ils vivent, cette musique surlignée au triple marqueur noir, surjouée, surchantée, clamée la main sur le cœur, le cheveu au vent au bord de la falaise, est un juteux fond de commerce et le rock soft-goth des Howling Bells y a trouvé un public fervent – notamment dans une presse magnétisée.
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Il faut dire que la chanteuse Juanita Stein ne s’épargne pas dans le théâtral, dans la mise en scène emphatique de son mal-être, de ses rognes et son spleen. Les quatre Australiens auraient pu en rajouter encore dans le décorum, dans le mélodrame et la boursouflure – on a connu tant de groupes, de U2 à James, qui ont vite confondu ambitions et prétentions, amplitude et démesure. Mais Dan Grech-Marguerat, aux manettes de ce second album, a imposé au groupe quelques-unes des recettes préparées par son ancien mentor, Nigel Godrich (Radiohead, Beck…). Soit un régime assez sec, dégraissé des effets bidons d’échos, qui contrarie sérieusement l’emphase et évite le ballonnement des refrains. Moins hystérique et incantatoire, façon Bernadette Soubiro ayant vu la lumière chez Siouxsie Sioux, que dans le passé, le chant laisse ici plus d’espace à d’impressionnantes haies de guitares, à des mélodies aux tempos hésitants, en lignes brisées. Car c’est la voie de la sophistication, plus que de la surproduction, qu’a choisi courageusement le groupe (le magnifique How Long).
En refusant désormais à la seule Juanita le soin d’écrire les chansons, ne laissant aux autres que le maigre privilège de les décorer dans n’importe quelle couleur – pourvu qu’elle soit noire –, Radio Wars est beaucoup plus fidèle à la complexité et l’ampleur des concerts.
C’est un album de groupe, plus lourd, plus animal, plus intense, plus sombre mais de manière moins superficielle, moins cérébrale, moins éthérée. Ironie du sort, des mois avant les vastes incendies en cours chez eux, les Australiens signait ici une de leurs meilleures chansons : Cities Burning Down.
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