Mi-bourrin, mi-maverick, Ryan Adams continue de frustrer.
Il ne suffit pas, pour devenir Johnny Cash, de s’habiller en noir, de faire une tête de cochon à l’heure du boudin noir puis de maugréer des chansons coriaces sur les femmes, les hommes et toutes les crevasses entre eux. De Whiskeytown, son groupe mâle, à une carrière solo soupe au lait, Ryan Adams a pourtant parfois atteint ce sommet escarpé, parlé l’Americana avec le plus convaincant, terrifiant et délicieux accent – comment se remettre de New York, New York ou de To Be Young ? Dans ces miracles d’inspiration, il incarna un best of de l’Amérique ténébreuse, maléfique. Noir c’est noir : les costards de Johnny Cash, mais aussi les lunettes de Lou Reed, les chemises d’Orbison et les visions de Springsteen.
La vie en rosse, donc, une fois encore égrénée sur ce Easy Tiger où le problème de Ryan Adams n’est pas tant son songwriting – ses histoires à dormir debout continuent de provoquer des cauchemars – mais les sales canassons qu’il utilise souvent pour traîner ses chansons : pour quelques purs-sangs, quelques mavericks, combien de chevaux trait ce cow-boy a-t-il ainsi chevauché dans son incertaine carrière ? Car entre deux coups de génie ou de sang, Ryan Adams a la facheuse tendance de se laisser aller à un rock ventru et adulte, à des chansons kilométriques et rectilignes, idéales pour le pick-up et les chemises à carreaux et tâches de sang.
A ces étalages de biscottos, à ce cette kermesse de la grosse burne dans le froc Wrangler, on préfèrera toujours Adams le moral dans les santiags, le romantisme dans le caniveau. Ainsi, ici, le neilyoungien Off Broadway ou le crooning malade de Goodnight Rose continuent d’alimenter la bienveillance, et de faire de Ryan Adams l’une des plus intrigantes et frustrantes énigmes de l’Americana.