De l’electro-pop chaudasse et venimeuse : les Australiens de MIDNIGHT JUGGERNAUTS sortent enfin leur premier album.
Un groupe dont le nom commence par Midnight et qui vient d’Australie, forcément, on se méfie : on pense immédiatement à la grande gigue chauve et désarticulée d’un autre Midnight, Oil celui-là, qui braillait dans le bush ses vieilles histoires de pieux qui brûlent ou je ne sais quelle autre histoire de literie un peu hot. La vue des trois larrons qui forment le groupe nous rassurera pourtant : un peu chevelus sur les bords, habillés très très normalement, ces trois Midnight Juggernauts, dont le lumineux premier album Dystopia est enfin disponible chez nous, sont aux antipodes de l’image que l’on a pu se faire d’eux sur leur simple nom. Régulièrement aperçus ces derniers mois à Paris – où ils envisagent d’ailleurs de s’installer pour établir leur base arrière –, les Juggernauts (comme chez les Ramones, ici tout le monde s’appelle Juggernaut de son nom de famille) semblent même être un peu hagards-égarés. Fleurons de l’excellent label australien Modular , dont les dernières soirées parisiennes furent de véritables musts, les trois garçons semblent en effet un peu perdus dans l’histoire européenne compliquée de leur premier album.
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Sorti en 2007 en Australie, le disque est longtemps resté dans les cartons, alors que la voie avait pourtant déjà été largement ouverte par internet. “C’est assez bizarre de se retrouver comme ça en Europe avec ce sentiment de repartir à zéro. Mais c’est assez excitant aussi. Nous cherchons actuellement un appartement sur Paris pour avoir un lieu où résider en Europe jusqu’à la fin de l’année. Nous voulons réussir à y imposer notre musique, en France notamment. Depuis Daft Punk, nous sommes fans absolus de ce qui se passe ici”, explique Vincent Juggernaut, chanteur et guitariste.
Des accointances françaises que l’on avait d’ailleurs remarquées en visitant la page MySpace de ces kangourous, et en consultant la liste de leurs “amis” : Justice (avec qui les Juggernauts ont d’ailleurs partagé en 2007 une tournée américaine et une date au Festival des Inrocks), Daft Punk bien entendu, mais aussi M83, Busy P (alias Pedro Winter), ou encore l’excellent Surkin, dernière trouvaille du label Institubes. “La musique qui vient de France a toujours été très exotique pour nous : les premiers Air, Cassius ou Daft Punk, c’était des disques qui venaient de loin. Et puis il y avait quelque chose à la fois très mélancolique et très moderne, un mélange complètement déroutant”, reprend Andy Juggernaut, chanteur et clavier.
On retrouve chez ces Australiens, comme chez nos électroniciens français, ce goût immodéré pour l’aventure spatiale discrète. Chez Midnight Juggernauts, on porte des combinaisons matelassées et un poil futuristes (mais selon la vision du futur aux antipodes dans les années 80), nécessaires à toute traversée de Dystopia, disque dense et riche dans lequel on pénètre par une longue intro – c’est toujours bon signe – qui fixe l’ambiance. Un truc un peu science-fiction, entre John Carpenter et Giorgio Moroder, qui ouvre sur un univers un peu glacé, mais qui vous autorise à danser quand la situation l’exige, vous verrez.
Puis il y a une chanson peu significative, Ending of an Era, sorte de Blur 2.0 sans véritable intérêt, et il faut attendre le troisième titre, Into the Galaxy, pour se rendre compte d’une chose : Vincent Juggernaut fait penser à Bowie, mais pas à n’importe quel Bowie. Celui qui a la voix qui flotte un peu au-dessus de la musique sur les albums produits par Brian Eno. Mais là où la voix de Vincent Juggernaut est cool, c’est qu’elle semble aller un peu plus loin dans la mise en scène d’elle-même (quitte à surjouer parfois), et ce dès Shadows, l’un des meilleurs morceaux du disque, idéal pour danser sur soi-même en tenue de cosmonaute (argentée de préférence), les yeux rivés sur une pluie d’étoiles lumineuses.
Il y a un peu de bon/mauvais goût chez Midnight Juggernauts, tout dépend de quel côté on se place. Il y a du Eno/Bowie dans la voix et l’esprit, donc, un peu de Buggles pour rigoler, mais aussi beaucoup d’Electric Light Orchestra. La grande force de Midnight Juggernauts, un peu comme chez Justice, c’est de parvenir à compresser tellement ces influences qu’au final on n’y fait presque plus attention. “Bowie, l’electro, les trucs eighties un peu foireux : notre culture musicale est assez chaotique, et il nous est impossible de faire des choix. Nous voulons que tous ces disques que nous aimons se rencontrent et s’entrechoquent dans notre musique. Et surtout que les gens dansent. Ou s’ils ne dansent pas, qu’ils bougent simplement leur tête, ce sera une première victoire”, plaisante Vincent Juggernaut. Et Dieu sait qu’on la remue sur Tombstone ou Road to Recovery, les deux singles que ces trois Australiens nous avaient l’an passé envoyés en tête de pont. L’incroyable Into the Galaxy, actuellement utilisé pour 70 % des illustrations sonores à la télé, est un autre très bon exemple des envies physiques que les Australiens savent solliciter, eux qui ont également été repérés pour leur belle aptitude au remix. Leur rebidouillage de I Get around de Dragonette, un temps fort de la compilation Kitsuné 4, fut l’une de nos bonnes excuses pour guincher aux abords des pistes l’été dernier. On pense aussi au chouette remix du Down Down Down des excellents Presets (un duo australien dont on devrait vous reparler très rapidement), en compagnie desquels les Juggernauts pourraient poursuivre leur lente mais jouissive invasion de l’Europe. On est en tout cas prêts à se mettre dans le bain, peu importe l’heure.
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