Deux rééditions aussi différentes qu’indispensables pour rappeler la classe de Dusty Springfield, récemment disparue. Coïncidence macabre du calendrier, Dusty s’en est retournée à la poussière alors qu’au même moment ressortaient les preuves irréfutables de son immense contribution au bonheur de l’humanité. Réunis sur deux albums de première nécessité, cette cinquantaine de titres enregistrés des deux […]
Deux rééditions aussi différentes qu’indispensables pour rappeler la classe de Dusty Springfield, récemment disparue.
Coïncidence macabre du calendrier, Dusty s’en est retournée à la poussière alors qu’au même moment ressortaient les preuves irréfutables de son immense contribution au bonheur de l’humanité. Réunis sur deux albums de première nécessité, cette cinquantaine de titres enregistrés des deux côtés de l’Atlantique de la fin des années 60 jusqu’à l’aube de la décennie suivante constitue en effet une somme conséquente, grâce à laquelle la musique de variété n’aura jamais tant mérité son nom. Reine d’Angleterre sans rivale possible du côté des oies blanches de la pop des Swinging Sixties (combien de Petula, de Cilla ou de Sandie ramaient loin derrière son ramage ?), Dusty Springfield connut pourtant avec les plages dont il est question ici une impressionnante série de déculottées commerciales dont elle ne se remettra finalement jamais. Chant du cygne, peut-être, mais quel chant ! Et quel cygne ! Enregistré fin 68 dans la fournaise du Tennessee avec l’équipe habituelle qui oeuvrait pour Aretha Franklin et avec les agiles Memphis Cats, sessionmen d’Elvis et de Wilson Pickett, le classique Dusty in Memphis est beaucoup plus qu’un disque de soul dépigmentée. C’est un album de chansons blanches (Goffin & King, Randy Newman et même Michel Legrand en sont les auteurs) livrées à la magie noire, gorgées d’une sève bouillante et infectieuse, parfois affinées sous la pluie veloutée des violons, l’ensemble préfigurant le tournant qu’allait bientôt prendre la soul durant les funky seventies. D’ailleurs, parmi la quinzaine de titres bonus, la plupart totalement inédits, on n’est pas étonné de retrouver Dusty aux mains de Kenny Gamble et Leon Huff, futurs artisans du Philly Sound, qui érigent pour elle les fondations de leurs futures cathédrales de velours.
A la même période, la carrière de Dusty Springfield épouse une double nationalité un tantinet schizophrène, puisqu’elle continue à enregistrer pour le marché anglais quantité de sessions que l’on retrouve en partie réunies sur ce Dusty in London constitué du nectar des albums Dusty… definitely et See all her faces ainsi que de singles rares. Cette fois, ce sont les arrangeurs british Keith Mansfield ou Peter Knight qui sont aux commandes et le son est plus ourlé, la voix s’installe plus confortablement sous les dorures des orchestres, se laisse envoûter par la douceur captive de l’easy-listening haut de gamme. Depuis The Look of love, on savait que Dusty Springfield, malgré son allure de dactylo aux traits lourds et aux coiffures impossibles, était après Dionne Warwick la plus magistrale interprète de la paire Bacharach-David, ce qui se confirme ici avec les impressionnants The Girl’s in love with you ou Another night. Elle chante aussi du Aznavour, du Jim Webb ou du Jobim avec cette conviction presque mystique qui palpite sous chacune des robes qu’elle endosse, ce qui en fait la seule concurrente féminine sérieuse d’un Sinatra. Ces deux-là vont commencer sérieusement à nous manquer.