Paria d’une Angleterre incapable de reconnaître ses songwriters, Duffy est enfin rattrapé par la mode : cocasse. Ceux qui persistent à reprocher aux Anglais leur insularité bornée jugeront le cas de Stephen Duffy exemplaire. Après dix bonnes années de rame souterraine – avec Lilac Time ou en solitaire -, il aura suffi d’une habile ritournelle […]
Paria d’une Angleterre incapable de reconnaître ses songwriters, Duffy est enfin rattrapé par la mode : cocasse.
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Ceux qui persistent à reprocher aux Anglais leur insularité bornée jugeront le cas de Stephen Duffy exemplaire. Après dix bonnes années de rame souterraine – avec Lilac Time ou en solitaire -, il aura suffi d’une habile ritournelle mod en forme de hachoir et d’un refrain aux accents cockney pour que Duffy décroche enfin un hit outre-Manche. Avec London girls, Duffy a rejoint en invité de prestige la première classe du train Britpop piloté par Blur, où il figure déjà comme parrain resté trop longtemps en gare de triage. Après Edwyn Collins, Stephen Duffy est donc le second rescapé d’une longue liste de songwriters et chanteurs dont la déveine chronique semblait la pire des injustices. Le sort, qui a enfin élu Duffy, se permet au passage une belle ironie: le manifeste le plus anglophile de la saison a en fait été formaté par des Américains, le fameux producteur Mitch Easter tenant les manettes et deux Velvet Crush, la plupart des instruments. Cette cocasserie mise à part ? London girls étant d’ailleurs le seul exercice du genre présent sur l’album -, Duffy reprend ici le chantier inachevé depuis Paradise circus, le second et brillantissime album de Lilac Time. Entre-temps, on l’aura vu s’embarquer pour des aventures périlleuses et pas toujours heureuses, jusqu’à cette collaboration avec le violoniste Nigel Kennedy qui rendait Music in colors un rien coincé aux articulations. Jamais prise en défaut, même au cours de ces quelques années hésitantes, la virtuosité mélodique de Duffy retrouve cette fois son environnement familier, laissant derrière elle les dorures des salons pour épouser à nouveau le grand air, quelque part au confluent du fleuve limpide des Byrds et des eaux troubles de Big Star, à mi-chemin entre la fruste retraite des campagnes et le fourmillement des cités. Quel que soit le registre emprunté ? du country-folk enjoué de She freak ou Rachel en passant par la perfection pop de Sugar high, du repli intime de Ghetto child aux guitares en fer de Starfit -, la voix de Duffy fait partie de celles – très rares ? qui s’adaptent à tous les terrains, encaissent tous les cahots et passent à travers toutes les tempêtes. L’horizon radieux qui s’offre enfin à elle est plus un dû qu’une récompense.
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