Vous pouvez oublier les histoires de Blue Lagoon et de trekking éco-citoyens dans les glaciers. Organisé chaque année à Reykjavik, le festival Iceland Airwaves reste toujours la meilleure raison de visiter l’Islande.
Vos amis qui ont eu l’insolence de visiter l’Islande avant vous ont peut-être eu le mauvais goût de vous imposer une soirée powerpoint. Le genre de débrief post-voyage un peu trop intensif qui consiste essentiellement à enfoncer le clou de leur satisfaction d’avoir passé les plus belles vacances de leur vie. Les soirées powerpoint ont tout du parfait traquenard. Un piège imposé par des règles de convenance sociale dont il est impossible de s’affranchir le soir où Christophe et Julie proposent de se ramener avec une bouteille de Brennivin sous le bras et une clef USB de deux Go entre les dents. Évidemment, vous aviez déjà tout vu (en double) sur leurs comptes Instagram mais impossible de dire non. Personne ne se s’est jamais senti aussi libre de niquer la fin d’un film que les mecs qui rentrent de vacances. Heureusement, en dehors de la randonnée exceptionnelle au Laukavegur, de l’anecdote de l’eau chaude qui sent le soufre dans la salle de bains et des « paysages juste magnifiques » offerts par une baignade au Blue Lagoon, l’Islande révèle un autre type de réjouissances que l’on s’apprête à dévoiler sans éprouver la moindre forme de pitié. Spoiler : le prochain festival que vous devez visiter s’appelle Iceland Airwaves.
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– ARON CAN
En dehors des frontières de l’Islande (et des quelques blogs suédois qui relaient régulièrement ses clips et ses morceaux), personne n’a jamais entendu parler d’Aron Can. Le gamin est né en l’an 2000 d’une mère islandaise et d’un père turc et il peut déjà se vanter d’afficher statistiques Youtube inversement proportionnelles à la population de son pays. Impossible de comprendre les paroles des morceaux qu’il a balancé en rafales fluides pendant son dernier concert à Reykjavik. Mais on imagine aisément un truc du genre : « J’ai plus de vues qu’il n’y a d’habitants sur cette île ». Après vérifications, il semblerait que Enginn Mórall et Grunaður soient deux des plus gros hits de l’histoire du rap islandais, des chansons dépassionnées sur le sentiment d’être constamment suspecté de délits auxquels on peut penser mais qu’on ne commet jamais. Les deux titres sont réunis dans un plan-séquence assez bien foutu, disponible dans le player qui suit. Et si vous voulez en écouter davantage, on vous laisse réfléchir à la fonte des glaces et à la vitesse du réchauffement climatique en écoutant ce petit tube d’influence caribéenne produit en Islande. Þekkir Stráginn, le premier EP mélancolique et nuageux d’Aron Can est sur Apple Music.
– GLERAKUR
L’autre grosse découverte de l’édition 2016 du festival Iceland Airwaves c’est GlerAkur. Sur Internet comme sur la fiche descriptive qui accompagnait leur programmation, ces barbus qui ne sourient jamais décrivent leur musique comme du « red metal ». Sur la scène du Gaukurinn (un bar sombre où se mêlent la communauté LGBT, les fans de metal, quelques poivrots assommés et parfois tout ça en même temps) le groupe a offert un concert sans la moindre respiration. Une seul morceau d’un peu plus d’une heure balisé de distorsions et galvanisé par une ambiance post-rock assumée jusque dans l’attitude de musiciens que l’on imagine très bien ne s’être jamais adressés la parole de toute leur vie. Ou peut-être pour décider d’épargner la vie du mec qui dansait comme sur du Ottawan pendant tout le concert.
– HATARI
Si le film Le Silence des Agneaux devait se matérialiser sous la forme d’un concert de rock de la fin des années 2010, il aurait probablement la gueule d’un live de Hatari. Sur scène, ils sont deux à hurler des choses que l’on ne préfère pas comprendrependant que la réincarnation d’Hannibal Lecter frappe sa batterie en imaginant des restes d’êtres humains décomposés. Honnêtement, tout le monde a flippé dès l’interprétation du premier morceau. Surtout que le deuxième chanteur compte essentiellement sur la vitesse de rotation de son cou et sur sa ressemblance avec Bill Corgan pour communiquer.
https://www.instagram.com/p/BMj_elbDzvU/?taken-by=azzedinefall&hl=fr
Malgré leurs dégaines paramilitaires, leur gueule froide et leurs morceaux hurlés comme autant d’injonction à rétablir la peine de mort dans toute l’Europe, les mecs d’Hatari ne semblent pas encore prête à conquérir le vieux continent. Un seul titre circule sur Internet. Difficile à écouter sans imaginer une apocalypse électorale… ça tombe bien, on est en 2017.
– MYRRA ROS
La représentation mentale d’un enregistrement de musique organique en Islande trouve son parfait stéréotype dans la musique de Myrra Ros. Ces histoires de traces de pas dans la neige et ces arrangements de cordes conventuels ont tout d’une publicité financée par l’office de tourisme local. Purtant, le concert murmuré par l’Islandaise dans l’auditorium de Kaldalón reste le souvenir le plus gracieux de l’édition 2016 du festival Iceland Airwaves. La concentration et la maîtrise du groupe n’ont eu d’égal que le silence religieux d’une foule réunie en rangs serrés pour (re)découvrir One amongst others, le deuxième album de la chanteuse originaire d’Hafnafjörður. Pendant que vous essayez de prononcer le nom de sa ville natale, sa page Bandcamp distribue de belles sensations.
– REYKJAVIKURDAETUR
Rappeuses, danseuses, performeuses, féministes… Il y a plusieurs raisons d’essayer de retenir le nom des Reykjavíkurdætur. La plus singulière reste sans doute qu’elles ont l’habitude débarquer sur scène à 17 dans un effort collectif improbable dans l’économie de la musique de 2017. Si les filles de Reykjavik (au sens littéral) ont l’habitude d’enchaîner des rimes pour exhorter tout le monde à faire la fête et à se défouler, elles n’oublient pas d’alerter de sensibiliser sur les violences contre les femmes et sur l’égalité entre les sexes. Car même si l’Islande n’a de leçon à recevoir de personne en matière de parité, le combat reste encore loin d’être gagné comme le rappelle ce entretien éclairant mené par Libération.
https://www.youtube.com/watch?v=gpu-_vwSRb0
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