Epicerie fine. Toute l’Angleterre rock coursait Drugstore depuis deux ans alors que personne n’avait rien entendu. Jusqu’à aujourd’hui. A votre avis, quel fait marquant le patron du label anglais Go! Discs retient-il de l’année écoulée ? Le banco extraordinaire et inattendu du Best of de Beautiful South (1,25 million d’exemplaires vendus en quelques semaines) ? […]
Epicerie fine. Toute l’Angleterre rock coursait Drugstore depuis deux ans alors que personne n’avait rien entendu. Jusqu’à aujourd’hui.
A votre avis, quel fait marquant le patron du label anglais Go! Discs retient-il de l’année écoulée ? Le banco extraordinaire et inattendu du Best of de Beautiful South (1,25 million d’exemplaires vendus en quelques semaines) ? Le phénoménal succès critique et public, à présent de Portishead ? Le choix de Freak Power pour illustrer la dernière campagne Levis ? Rien de tout ça ! Andy McDonald clame partout que sa plus grande fierté pour 94 reste d’avoir fait tomber Drugstore dans son escarcelle. Les négociations furent épineuses, deux années pendant lesquelles le groupe a pu peaufiner l’ouvrage sans l’urgence d’une trop précoce éclosion. Ayant laissé nombre de courtisans se briser le nez à la porte de leur abri et pas mal de concurrents se dessécher sous les projecteurs, ils affichent donc, à l’heure capitale du premier album, le double avantage d’apparaître vierges et pourtant étonnamment matures. Fragiles dans la forme mais solidement aguerris sur le fond. Jugeons-en d’abord par la voix d’Isabel Moteiro, Brésilienne d’origine qui, certes, ne chante pas comme Maria Creuza mais s’autorise des graduations honorables sur une échelle qui va de la Marianne Faithfull capiteuse des sixties jusqu’à la Hope Sandoval capitonnée d’aujourd’hui. Les chansons, selon l’humeur, ont l’haleine médicamenteuse ou font office d’élixirs vénéneux, miment un air suppliant et propulsent sans ménagement leur proie dans le vide. Schématiquement, on se plaît à y voir la recette féminine de ces dragées au poivre de Psychocandy qui tourmentent toujours le palais dix ans après. Il y a chez Drugstore cette même servitude contrôlée pour la paire d’accords séminaux du rock’n’roll, déformée par l’usage intensif des drogues dures Velvet ou insidieuses Joy Division. Le propos majeur tourne ici encore et plutôt mieux qu’ailleurs autour de ce qui reste, soi-disant, lorsqu’on a tout oublié ou, plus certainement, lorsqu’on n’a rien appris. Il y a cette façon presque désinvolte de laisser traîner les doigts dans la prise, qui parasite toute tentative prolongée d’apaisement. Il y a enfin ce goût pour les mélodies dangereuses, les mots qui coupent la langue et les pansements mal collés.
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