Les frères Eoin et Rory Loveless sont nés avec le grunge. Ils y retournent avec Drenge, leur duo familial de pop-songs dans le rouge. Bientôt au Festival des Inrocks. Critique et écoute.
Drenge est le groupe-duo de jeunes frères (la vingtaine à peine éclose) originaires du nord de l’Angleterre. L’un s’appelle Eoin, et l’autre Rory. Le second n’a pas été prénommé ainsi par ses géniteurs en hommage au guitariste irlandais de blues-rock Rory Gallagher. D’ailleurs, le Rory de Drenge est batteur. C’est l’aîné Eoin qui chante et tient la guitare. Et puis le nom de famille des frangins n’est pas Gallagher – sans quoi ils auraient pu reformer Oasis, on aurait bien rigolé. Non, leur (vrai) nom, c’est Loveless. Comme l’album mythique de My Bloody Valentine. Mais ça ne s’entend pas vraiment dans leur musique, sous l’influence d’un autre totem de l’année 1991 (et du rock en général) : Nevermind de Nirvana. Eoin est né en 1991, Rory en 1993. Mais le premier soutient qu’ils n’ont pas entendu de grunge in utero (pas même l’album In Utero). “Nos parents aiment la musique, mais plutôt le jazz, le reggae, le classique, ils n’étaient pas du tout dans le rock de l’époque. Mon premier souvenir de musique est quand même lié à eux, mon père jouait du saxophone et ma mère chantait avec lui, notamment Summertime de Gershwin.”
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Les frangins ont grandi à Castleton, petite ville touristique à mi-chemin de Sheffield et Manchester. “Il y a un château, des grottes, c’est très beau et très chiant. Il n’y avait pas grand-chose à y faire. Et pas de groupe, juste nous.” Des années de piano à quatre mains, avant de se mettre à la guitare et à la batterie pour entrer dans le vif du sujet : le garage, le rock couillu, la musique d’hommes. Le nom du groupe veut dire “garçons” en danois – souvenir d’un échange scolaire où les Danois s’appelaient “drenge” sur un terrain de foot. Drenge a vraiment commencé en 2010, sous l’influence notoire du groupe qui a écrit l’hymne de tous les terrains de foot depuis 2003 : les White Stripes. “Ils nous ont montré que c’était possible de jouer cette musique-là à deux.”
Leur premier album remonte le fil barbelé du rock enragé. On y entend des pop-songs torturées à l’électricité (et elles en redemandent, les canailles), l’écho des orages, Jesus Lizard ou QOTSA. Très influencé par l’ère post-punk, Drenge remonte jusqu’à la source du blues, le temps d’un I Don’t Want to Make Love to You jubilatoire : “Oui, c’est un hommage à la chanson I Just Want to Make Love to You de Willie Dixon, qui a été chantée par Muddy Waters et les Stones. Mais ça me semblait plus amusant de changer un mot, je ne crois pas qu’il y ait beaucoup de chansons qui disent ‘Je ne veux pas faire l’amour avec toi”.
Autrement dit, Drenge n’est pas The Strypes, pas un groupe de revivalistes engoncés dans leurs costumes d’époque. Maintenant, pour éviter une crise diplomatique, il faut bien parler de la vidéo très rock’n’roll de Backwaters, dans laquelle le groupe et ses amis détruisent irrémédiablement un des fleurons de l’industrie automobile française, une Citroën Saxo. C’est peut-être une façon de tuer le père (qui jouait du saxo) mais en aucun cas une déclaration de guerre. “C’était la voiture fournie par la production, je respecte cette marque, je suis désolé d’avoir détruit une Citroën.” Drenge n’a aucun problème avec la France. La preuve : un des plus beaux souvenirs de sa jeune existence, c’est la première partie de Skip The Use en avril au Zénith de Paris. Et ils n’ont pas encore fait le Festival des Inrocks.
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