Daunik Lazro, c’est l’éternel outsider, l’étranger, l’homme de la marge, d’autant plus en marge qu’il s’engage dans l’instant, pour l’instant, sans préméditation ni but. Simplement s’ouvrir et laisser passer, laisser faire. Et puis oublier. Et recommencer, autrement. Faire le pari de l’impersonnel que quelque chose se dépose là (d’essentiel ? de beau ? de […]
Daunik Lazro, c’est l’éternel outsider, l’étranger, l’homme de la marge, d’autant plus en marge qu’il s’engage dans l’instant, pour l’instant, sans préméditation ni but. Simplement s’ouvrir et laisser passer, laisser faire. Et puis oublier. Et recommencer, autrement. Faire le pari de l’impersonnel que quelque chose se dépose là (d’essentiel ? de beau ? de vrai ?), « Que ce soit l’Extérieur enfin qui parle dans le creux déserté que je suis » (Jacques Réda). Et puis récemment, coup sur coup, de nouvelles prises de position, des participations plus ou moins actives à des projets plus cadrés, plus mesurés (Claude Barthélémy, Claude Tchamitchian), la surprise de retrouver l’insurgé derrière des pupitres à jouer sa partie, à assumer sagement son second rôle de trublion free par de brillants mais souvent prévisibles coups de rasoir dans le bel agencement… On devine bien là chez Lazro une volonté délibérée de casser une image, de sortir du carcan de « la liberté à tout prix », de s’engager autrement, ailleurs… On entend les questions : quel plaisir masochiste dans ce rôle de loser magnifique ? quel confort ambigu dans cet anonymat ? Le problème, c’est le paradoxe de la réponse, cette façon de surjouer la marginalité dans des contextes policés. Ce nouveau disque, Dourou, vient remettre les pendules à l’heure. Lazro, c’est l’excès. Et quand il décide à son tour, à la suite de ses expériences de sideman, d’inventer sous son nom une musique plus contrôlée dans sa conception, c’est dans un rapport au cadre et à la règle bien plus violent et créatif. Alors Lazro joue le jeu du jazz (thème, structure, dispositif orchestral…), fait affleurer quelques influences prestigieuses, subliminales (Ornette, Bill Dixon), mais c’est pour mieux mettre en scène son esprit de démesure, sa volonté de puissance, sans cesse confrontés aux limites de sa condition. Sa musique est à l’image de son phrasé, projetée, tout en générosité inquiète, avec une vraie mélancolie au coeur du tumulte. Parce que Lazro ne fait jamais l’économie du conflit. Et que c’est toujours pour se heurter à un profond sentiment d’échec, quelle que soit la splendeur de ce qui se joue. Là résident la grandeur lyrique et la beauté tragique de cette musique hors norme.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Daunik Lazro, Dourou (Bleu Regard/Dam)
{"type":"Banniere-Basse"}