Stereolab cesse de visiter l’espace avec ses Lego et prend le large. On sait à quoi ressemble une pop-song de l’an 2753. Questions métaphysiques de la semaine : de quoi demain sera-t-il fait ? Faut-il avoir peur de l’avenir ? Comme d’autres groupes, Stereolab a choisi de caresser le futur dans le sens du poil […]
Stereolab cesse de visiter l’espace avec ses Lego et prend le large. On sait à quoi ressemble une pop-song de l’an 2753.
Questions métaphysiques de la semaine : de quoi demain sera-t-il fait ? Faut-il avoir peur de l’avenir ? Comme d’autres groupes, Stereolab a choisi de caresser le futur dans le sens du poil synthétique, de domestiquer ses craintes en leur jouant de la musique douce. Il y a quelques années, Stereolab s’échinait à jouer du krautrock’n’roll aux couleurs criardes. Ecrasé sous les références, le groupe s’en est tiré par une pirouette : en changeant de références. Aujourd’hui, Stereolab a pastellisé et allégé son inspiration. On n’entend (presque) plus la guitare ni les gimmicks. Stereolab a remplacé ses ficelles efficaces mais voyantes par des dots et des loops,des points et des boucles. C’est presque Mon tricot, ma maison sur la lune. Où la passion de Tim Gane pour les musiques d’ambiance éclate au grand jour : on reconnaît ici beaucoup d’électronica, une touche d’exotica, un peu de formica. Une trame synthétique suave et apaisante, drôlement bien arrangée. Passé de l’effusion à l’infusion, Stereolab a décroché un boulot sympa pour les jeunes : agent d’ambiance. Carte (perforée) du club des amis du space-rock en poche Mouse On Mars et Tortoise ont collaboré à Dots and loops , le groupe invite à l’exploration rêveuse d’espaces vastes et paisibles.
Mais Stereolab joue du space-rock comme les Russes vont dans l’espace : pour faire rigoler le reste du monde. Devenue en quelques années spécialiste mondiale des blips-blips, la PME hi-tech Stereolab travaille encore à l’ancienne. Pendant que Lætitia Sadier visionne des scopitones de Françoise Hardy sur un écran coins carrés Trinitron 16/9ème, Tim Gane accroche au-dessus de son bureau des portraits en noir et blanc de messieurs Moog et Perrey. Le genre rétrofuturiste est amusant, mais il a ses limites. Préparer le terreau pour les paysages musicaux de l’an 3012, c’est en finir avec la nostalgie (fût-elle très drôle), tirer un trait sur la notion de chanson. La vraie nouveauté de Dots and loops, c’est que Stereolab a fait la poussière dans le labo, décidé à mettre au placard sa désuète panoplie de chansonnettes acidulées sous emballage expérimental comme des bonbons à l’amiante ? « J’ai envie qu’on avance, qu’on prenne de la distance », chante Lætitia Sadier sur Diagonals. Le dire, c’est bien. Le faire, c’est mieux. Truffer sa pochette de disque de constructions cinétiques, c’est bien. Offrir à sa musique des lignes de fuite, c’est mieux. Ainsi, sur Doots and loops, les arrangements suggestifs et audacieux enveloppent et relèvent des mélodies au goût passé. L’imagination et la prise de risques piquent des parts de marché à la chanson sur pilotage automatique. C’est là, sur un pont en lianes de Refractions in the plastic pulse, sur les rythmes crépitants et le synthé ondulé de Parsec ou sur un Contronatura cerné par les crapeaux-buffles et les cybercigales, que Stereolab prend rendez-vous avec l’avenir : des lendemains qui (dé)chantent.
Stéphane Deschamps
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