Petit frère d’une figure du rap français (Pit Baccardi) et dernière signature de Def Jam France, Dosseh s’est pourtant construit seul. Depuis dix ans, à coups de gros featurings (avec Booba puis Joke) , de projets ambitieux (il a réalisé un street film « Karma ») et de mixtapes, l’Orléanais s’est imposé. Depuis quelques jours il propose « Summer Crack » un projet estival, annonciateur d’une grosse rentrée.
Tu as commencé ta série de mixtape Summer Crack en 2011, pour occuper le terrain. Aujourd’hui quel est l’objectif de ce projet ?
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C’est toujours le même. C’est à dire continuer le travail entamé avec Perestroïka et me diriger vers mon prochain album Youri. C’est ma manière de procéder. Perestroika était une manière de me repositionner par rapport à ma première partie de carrière. Et puis, j’aime sortir mes projets en été !
Peux-tu nous parler d’Oublier aux côtés de l’artiste camerounais Magasco. C’est surprenant de ta part…
Pas tant que ça. Je suis Africain, j’ai été élevé avec de la musique africaine. En ce moment des artistes nigérians comme P-Square, Davido ou Wizkid proposent quelque chose de nouveau, j’aime ce qu’ils font. Magasco est Camerounais et dans la même veine que moi. Je voulais faire un gros son afro pour l’été alors je me suis dit pourquoi ne pas prendre un mec de mon pays d’origine ? J’aime vraiment sa musique, selon moi il sera le prochain à exploser.
Summer Crack comporte de nombreuses surprises : tu chantes, tu harmonises…
C’est comme cela que je conçois la musique. On n’est plus comme en 1995 où les mecs ne faisaient que poser leurs lyrics. Aujourd’hui tu ne peux pas juste savoir rapper, c’est la base. Lorsque tu la dépasses, on demande ce que tu sais faire d’autre. Aujourd’hui une chose est sûre – il faut bien comprendre ce que dis – je trouve que les rappeurs sont plus forts. Je dis cela dans le sens où ils ne savent pas que rapper. Attention : je compare uniquement les bons rappeurs de l’époque aux bons rappeurs actuels. Ils sont plus forts parce qu’ils maîtrisent plus de choses. Par exemple à l’époque ils étaient tous « mono-flow ». C’était bien et ça correspondait aux goûts et aux attentes de l’époque. Aujourd’hui, si tu n’as qu’un flow tu es mort et cela te force à te renouveler.
Que penses-tu de PNL ?
C’est pas mal. A l’époque c’était presque tabou de chanter ou de chantonner. C’est une des évolutions que j’aime bien dans la musique. On a toujours kiffé les belles mélodies. Quand j’étais gamin, je kiffais Michael Jackson et je kiffais la mélodie. A aucun moment il a été écrit dans un livre de loi qu’il était interdit de chanter dans le rap ! Quand s’est bien fait il n’y a rien à dire.
Quelle sera différence entre ton album et cette mixtape ?
Il sera tel que je l’ai imaginé ! J’ai été nourri avec des albums classiques de rap français comme Opéra Puccino d’Oxmo, Quelques Goutes Suffisent d’Arsenik, le premier album de Pit Baccardi… Une partie du public actuel n’a pas ces références pour pouvoir faire la différence entre un album et une mixtape. Mais moi j’ai grandi à cette époque. Lors d’une interview, mon demi-frère Pit Baccardi avait répondu un truc qui m’avait marqué, il expliquait que son album représentait « toutes les étapes et tout les états de la vie d’un homme. » Il y a un moment où tu es énervé, en mode lover, en mode triste, en mode dansant… C’est comme ça que je le vois.
Tu viens de nous dire que Pit était ton frère. Comme vous n’avez pas vécu ensemble, comment as-tu vécu sa carrière ?
Toute la première partie où il était dans le feu, je l’ai un peu vécue de loin. J’allais le voir de temps en temps mais j’observais tout cela de loin. C’est par la suite que l’on s’est un peu plus rapprochés.
Comme un fan ?
Oui.
Avec le recul tu ne dis pas que cela t’as aidé ? Tu n’as pas eu l’étiquette de « petit frère de Pit ». Cela aurait pu te briser les jambes…
Non ça te brise seulement les jambes quand tu es mauvais. Si tu rappes bien, que t’as ton délire et que les gens le ressentent il n’y aucune raison que ça te brise les jambes. Et puis beaucoup de choses nous séparent. D’abord nos raps sont différents donc cela joue. Ensuite je viens d’Orléans… Ce n’est pas comme quand Arsenik ont ramené Kommando Toxic (ndr T.Killa un des membres du groupe est le petit frère de Lino et Calbo) qui eux ont grandi ensemble. Moi j’ai grandi de mon côté et donc j’ai pu développer mon identité.
Autre particularité, on l’a vu dans les références que tu viens de nous donner, tu es une sorte de jeune vétéran. Tu as commencé à sortir des projets dès 2004…
Je vois cela comme une force. Je maitrise les codes d’hier et d’aujourd’hui. Ça ne peut jamais être un handicap d’en savoir deux fois plus que les autres.
Le « charbon » est un terme que revient souvent dans ta musique
C’est mon credo ! C’est ma manière de voir la vie. Rien n’est simple. C’est comme ça: tu charbonnes. J’ai toujours dit que je n’aimais pas les gens qui pleurnichaient ou se plaignaient tout le temps. Trouver des raisons autres que ses erreurs pour expliquer son échec est quelque chose qui m’insupporte. J’essaie de toujours me remettre en question.
Tu as beaucoup travaillé en indé puis ton featuring avec Booba est arrivé en 2009. Que s’est-il passé après ?
Avec le recul je peux dire que si rien ne s’est concrétisé après c’est parce que tout simplement je n’étais pas prêt. Artistiquement je n’avais pas encore la maturité requise. Même si j’avais sorti un album à ce moment là il n’aurait pas été bon. Ensuite j’ai eu pleins de petites galères qui m’ont ralenti.
https://www.youtube.com/watch?v=mCAoT8PhIoA
Dans le titre Charbon tu dis « les mecs de ma zone croient que je suis refait. J’essaie de leur faire capter que ce n’est pas si simple. On ne respecte que les trophées et leurs rappeurs préférés ne sont pas si humbles. »
(Il y a un petit silence puis Dosseh éclate de rire)
Tout est dit ?
Oui. Les gens voient Def Jam France, les clips, les passages télés…C’est normal ! Comme eux ne connaissent pas les coulisses de l’industrie de la musique ils pensent que dès que tu accèdes à tout cela tu es à l’abri. Parfois je suis posé au quartier et des petits me posent plein de questions. J’essaie de leur montrer l’envers du décor. Les trophées dont je parle, comme en l’occurrence on parle de musique, ce sont les disques d’or. Tant que tu n’as pas de trophée, une bonne partie de l’industrie ne va pas te donner le respect que tu penses mériter. C’est comme ça dans tout les corps de métier. Par exemple dans le foot si t’es pas ballon d’or ou si tu n’as pas remporté de Coupe Du Monde, t’es un bon joueur mais on s’en fout de toi. Les gens pensent que tout les rappeurs sont des potes ou deviennent une grande famille dès qu’ils font un featuring. Ce n’est pas le cas.
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