Coquin de sort ! Scélérate ironie ! Ce nouvel album de Robert Wyatt nous parvient le jour même où Gorby décide l’abandon de la lutte des classes, éparpillant ainsi, façon puzzle, l’un des derniers dogmes marxistes aux quatre coins de l’ex-empire des tsars. Pauvre Robert, pour lui qui ne publie plus qu’un album par plan […]
Coquin de sort ! Scélérate ironie ! Ce nouvel album de Robert Wyatt nous parvient le jour même où Gorby décide l’abandon de la lutte des classes, éparpillant ainsi, façon puzzle, l’un des derniers dogmes marxistes aux quatre coins de l’ex-empire des tsars. Pauvre Robert, pour lui qui ne publie plus qu’un album par plan quinquennal, ces quelques années écoulées depuis le précédent, Old rotten hat, doivent avoir un sérieux arrière-goût de désillusion. Le rouge n’excite guère plus que les taureaux et les ennemis d’hier ont revêtu des habits respectables, Mandela est libre, l’apartheid décomposé et l’Angleterre a troqué sa vieille sorcière contre John Major aux allures de gentleman. Quant à la guerre du Golfe, elle a réduit en peau de chagrin les derniers fantasmes égalitaires de l’utopie tiers-mondiste. Diable ! Que reste-t-il au vieux militant comme juste combat à mener ?
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Réponse ici avec Dondestan, en français où sont-ils ??, qui pose le problème des apatrides. Une façon comme une autre de ne plus s’engager aux côtés d’une doctrine incertaine en optant pour une cause aussi consensuelle qu’insoluble dans un avenir proche. Et puis, au-delà, il reste les chansons, ces mélopées fluides qui percent le palpitant des uns et brisent les nerfs des autres. Dès le premier titre, l’ex-Soft Machine déstabilise son petit monde en le plongeant dans le labyrinthe d’une rythmique à mettre hors d’usage le plus performant des pace-makers. Tout l’art de Wyatt réside dans cette fameuse résistance aux codes préétablis, sans courir derrière une prétendue modernité, à l’instar de bon nombre de ses contemporains mais uniquement par nécessité émotionnelle.
Comme celles de son vieux complice Kevin Ayers ou comme chez le Van Morrison d’Astral week, les compositions de Robert Wyatt se situent hors des limites du palpable et seuls les funambules et les astronautes maîtrisent avec un tel bonheur les lois de l’équilibre. On aura beau se référer au jazz et à sa noblesse pour quadriller une œuvre trop ambitieuse pour notre quotidien futile du rock. Ou bien au chant des sirènes car nul ne sait à quoi il ressemble. En vain, c’est de vertige dont il s’agit ici. Ce vertige qui l’a cloué dans un fauteuil roulant, Wyatt ne cesse depuis de le provoquer, de lui faire payer sa dette pour une vie brisée. La musique ici n’est qu’un prétexte et on ne peut qu’en admirer la beauté extérieure, la coquille. Le cœur, et par conséquent la plus grosse part de vérité, reste pour nous désespérement impénétrable.
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