Dixième volet sans surprise d’une discographie d’exception. Critique et écoute.
Eléor est un disque d’après-inventaire. Ses vingt premières bougies musicales dûment soufflées, avec en cerises des rééditions augmentées de ses neufs albums, une tournée, deux livres de fragments autobiographiques (dont le nouveau Regarder l’océan, éditions Stock), un autre de chroniques, Dominique A pouvait reprendre sa route l’esprit et la soute allégés. Cette dixième étape (onzième si on inclut Un disque sourd) est d’ailleurs marquée par les voyages, réels ou fantasmés (Nouvelle-Zélande, Canada, Groenland, le microroyaume scandinave d’Elleore…), et par la légèreté de l’embarcation, un trio basique propulsé toutefois par des cordes, vaporeuses ou déchaînées selon l’humeur des chansons.
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On aurait sans doute rêvé qu’à l’inventaire succède une véritable réinvention, mais sans doute le seul défaut que l’on oserait trouver à Dominique A, c’est son peu de goût pour les prises de risques radicales. Lorsqu’il s’y est essayé autrefois, par exemple avec l’ironiquement titré Tout sera comme avant, le résultat n’était pas des plus convaincant.
Ici, malgré l’envie d’exil qui irrigue la plupart des douze titres, le chanteur joue souvent à domicile, sans faire dans “l’imprudence” à la Bashung qui l’a pourtant tellement marqué. Et comme on s’habitue à tout, y compris à l’excellence, il arrive ça et là que l’on trouve les paysages trop familiers, ou déjà trop souvent traversés, et que l’ennui finisse par poindre.
Le Cap Farvel d’ouverture est somptueux, mais ne l’a-t-on déjà vu dix fois ? Et la mélodie de Nouvelles vagues, ne l’avait-on déjà en mémoire ? La grâce suspendue de la chanson-titre est une exception à cette (relative) routine, comme l’étonnant Celle qui ne me quittera jamais et ses arrangements au groove 70’s, ou encore la dynamique tubesque de Central Otago et son gimmick d’orgue très collant.
On se résoudra donc, faute de surprise, à considérer Eléor comme l’appartement-témoin de tout l’art de A, les canoniques Au revoir mon amour ou L’Océan constituant les pièces les plus représentatives malgré leur décoration minimale. Les textes, entre miniscénarios incarnés (Oklahoma 1932, Semana santa) et évocations plus flottantes et sensibles, souvent conjugués au passé, demeurent ce qui s’écrit de plus beau ici-bas.
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