La chanteuse tunisienne prend de la hauteur en s’attaquant aux chansons de Barbara et Fairouz. Critique et écoute.
La Tunisie, laboratoire politique du monde arabe ? Et pourquoi pas passerelle culturelle entre les deux rives de la Méditerranée ? C’est ce que suggère en sous-main ce recueil où alternent chansons de Barbara et de Fairouz. Entre la Parisienne d’origine juive devenue grande dame de la chanson française et la Beyrouthine maronite promue diva de la musique arabe, assez de similitudes pour qu’un tel projet échappe aux pirouettes des justifications. Deux femmes blessées, aux auras douloureuses, deux contemporaines aux destins malmenés par l’histoire, deux voix à la dramaturgie sidérante. Et au final deux artistes qui embrassent toute la condition humaine en révélant ce qu’elle porte d’incomplétude. Restait à trouver la perle rare pour valider ce chassé-croisé, dénicher l’interprète qui étaye une telle rencontre au sommet, capable de se substituer à ces deux légendes dont les styles musicaux restent lointains, les langues dissemblables.
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Et c’est là que Dorsaf Hamdani apparaît. On avait pensé beaucoup de bien d’un précédent album consacré aux princesses du chant arabe, Oum Kalsoum, Asmahan et… Fairouz. Le bel alliage qui compose son timbre vocal, fait d’un subtil dosage de minéralité et de sensualité, la rendait quasiment exclusive pour cette entreprise où l’on passe des mélismes moyenorientaux à la diction épurée du français classique, de la complainte envoûtante, limite sulfureuse, de La Fille Chalabi au béant désespoir de Soleil noir.
La prouesse doit beaucoup au travail de l’accordéoniste Daniel Mille, qui assure la direction musicale de ce disque-hommage dont l’intention supérieure s’ancre à la faveur des deux chansons finales, Jérusalem et Göttingen, l’une sur la coexistence, l’autre sur la réconciliation.
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