Avec ses inoffensifs Seahorses, l’ex-guitariste des Stone Roses, John Squire, veut retrouver anonymat et goût du jeu. Entre l’Angleterre et les Stone Roses, le divorce brutal, sans cadeaux vint sceller six années d’incompréhension chronique, de malaise partagé. Pas faits pour vivre ensemble, ce pays à l’esprit critique impérieux, insolent, et ce groupe insaisissable, […]
Avec ses inoffensifs Seahorses, l’ex-guitariste des Stone Roses, John Squire, veut retrouver anonymat et goût du jeu.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Entre l’Angleterre et les Stone Roses, le divorce brutal, sans cadeaux vint sceller six années d’incompréhension chronique, de malaise partagé. Pas faits pour vivre ensemble, ce pays à l’esprit critique impérieux, insolent, et ce groupe insaisissable, trop malin pour se laisser assujettir. Pas faits l’un pour l’autre, ce cynisme épais (lu dans un magazine spécialisé, en 1991 : « Les Stone Roses ne seront pas un grand groupe tant que leur leader Ian Brown refusera de prendre des cours de chant ») et cette grâce fragile, instable. La passion, cette terrifiante affection qui sait rarement promettre autre chose que des lendemains orageux, n’aura duré qu’un temps, celui nécessaire aux Stone Roses pour passer du remarquable (et docile) premier album à la témérité un peu folle de The Second coming, disque trop riche et bouillant pour être appréhendé favorablement par une critique rapide en besogne. En 97, le divorce entre les membres du groupe défait et les chroniqueurs de la vie artistique britannique est totalement consommé. D’un côté, des musiciens à l’abri du besoin, qui se lancent dans des projets par pur plaisir une dimension de plus en plus absente au pays des arrivistes Ocean Colour Scene. De l’autre, des témoins dépassés par l’enjeu (ou l’absence d’enjeu), contraints de célébrer à contrecœur les retours plus ou moins discrets des héros d’hier. Ainsi aura-t-on vu le guitariste John Squire aujourd’hui simple lieutenant d’un groupe, les Seahorses, qui lui assure le gîte et un anonymat relatif hériter d’un statut qu’on sait embarrassant pour ce timide maladif : « Le génie des Stone Roses, c’était lui », pouvait-on lire quelques semaines avant la sortie de Do it yourself. Sauf que comme toujours dans ce genre d’histoires, le génie solitaire ne brille guère en l’absence de ses anciens congénères. On passera rapidement sur les vices de fabrication inhérents à toute aventure de ce type reproduction scolaire des schémas éprouvés chez les Stone Roses, pleins pouvoirs à une guitare aux bavardages épuisants, effacement maladif du chanteur (le très moyen Chris Helme), compositions d’une banalité rasante pour ne retenir que l’essentiel : sur le premier album des Seahorses, John Squire s’amuse. Comme un môme qui découvre les joies du studio et le plaisir égoïste du solo Led Zep. Comme un musicien débutant se moquant éperdument des commentateurs professionnels. Et même si le fruit de ce retour à un jeu strictement ludique déçoit au mieux, on aura l’impression d’entendre les Bluetones, au pire, le groupe de pub qui sévit chaque samedi soir au coin de la rue , on ne pourra qu’éprouver de l’admiration et avoir de la déférence pour cet homme de l’ombre sans vrai charisme ni ambition, ce type obscur à l’érudition instrumentale certaine mais à la vision limitée, retrouvant ici ce statut de second rôle qu’il semble affectionner. Au sein de ses inoffensifs Seahorses, John Squire redevient ce qu’il aurait toujours été sans le miracle Stone Roses : un guitariste affreusement compétent et un peu largué.
Emmanuel Tellier
{"type":"Banniere-Basse"}