Portrait de Jennifer, dj résidente au Pulp, aux soirées Automatik du Rex et aux Afters Biyatch du Batofar, jeune femme qui ignore les branchitudes et les modes pour jouer une techno pêchue.
Pendant l’après midi, l’Entracte est un endroit tranquille où valsent des « seniors » le temps d’un thé dansant musette. Quelques heures plus tard on peine à reconnaître le lieu, rebaptisé le Pulp, temple des soirées pour filles. Le rouge éteint des canapés et les dorures vieillottes se ravivent le soir sous l’effet puissant du soundsystem. Il en va de même pour Jennifer, une des dj résidentes. C’est une jeune fille sympathique et calme au doux visage rond qu’on croise dans les rues de République, et qui se transforme le soir en pussy killeuse, lors de dj sets endiablés. Elle qui déteste la hype house parisienne est devenue résidente au Rex, au Pulp et joue dans l’After Byatch du Batofar. Elle ne semble pourtant guidée par aucune mode, seul son bon plaisir l’oriente dans ses choix musicaux : « Dans un magasin de disques, je choisis tout et n’importe quoi. Je marche vraiment à l’instinct, à l’émotion, je peux acheter de la deep house comme je peux acheter de la techno. Il y a certains styles de musique où je ne m’aventure pas comme la transe, parce que ça me plait pas, ou certains trucs vraiment hardcore. Mais en général je me limite pas« . C’est cette liberté en effet qui frappe chez Jennifer, le refus de s’attacher à un endroit ou à une mode qui la contraindraient. Cela lui vient peut-être de la lourde chape de plomb ambiante des villes où elle a vécu avant de venir à Paris.
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Originaire de Monaco, elle quitte assez vite la principauté tant l’oppressant conformisme de l’endroit lui est pénible. Tout signe de marginalité y est réprimé de manière systématique, si bien qu’elle ne peut descendre du train sans être arrêtée à la gare à cause de ses tatouages. C’est donc un peu plus loin à Nice qu’elle atterrit. « Moi quand j’étais plus jeune j’écoutais Bauhaus, Cure, les Virgin Prunes des trucs comme ça, Bowie, Lou Reed. Mais j’ai jamais appartenu à un groupe précis, j’étais pas corbeau quoi. J’écoutais ce genre de musique et j’ai commencé à aller en rave. Pour des raisons personnelles j’ai pas pu continuer à aller en soirées, donc j’ai acheté des platines et j’ai commencé à mixer chez moi. Là j’ai commencé à intriguer, parce qu’à Nice j’étais la seule fille à acheter des disques« . C’est alors qu’on lui propose de jouer dans un bar, puis dans des soirées et qu’elle commence à se faire un nom. C’était il y a six ans. Puis tout d’un coup elle s’arrête pendant deux ans, lassée des mauvais plans, pas payés ou annulés, et commence à travailler. Elle rencontre alors Sextoy. « Je me suis liée d’amitié avec Sextoy, on faisait de la musique ensemble, et on a monté un groupe qui s’appelle Pussy Killers. Comme toutes les machines pour la compo étaient chez moi et qu’elle habitait à Paris, elle faisait le trajet à chaque fois. Et c’était devenu un peu impossible. En plus on a monté un concept live dj où on mixait en cagoule et tout ça. C’était compliqué. Je suis venue habiter à Paris pour des raisons pratiques, c’était plus facile pour travailler la musique » et commence à jouer dans les clubs de filles, puis au Rex, où elle y devient alors résidente lors des soirées Automatik, ainsi qu’au Pulp. Pas plus que Monaco ou Nice, Paris ne semble capable de l’attacher et son tempérament nomade la pousse à vouloir essayer ailleurs.
Elle dit vouloir continuer à travailler comme dj aussi longtemps que possible, et à l’étranger de préférence. Son pays de prédilection c’est l’Allemagne. « 90% de mes disques sont allemands. Il y a plein de labels en Allemagne que j’aime bien et j’ai l’impression d’avoir plus de liberté au niveau de ce que je peux jouer car la musique électronique s’est aussi ancrée là bas que le rock ou le rap ici. » Son style se caractérise par « des trucs assez lourds, groovy mais plutôt dark, parce que j’aime bien, les trucs un peu tunnel. En ce moment j’aime plutôt tout ce qui est minimal. » Elle construit son set de manière assez personnelle sans trop répondre à la commande. « A 80% je choisis ce que je veux et à 20% je fais un compromis si ça marche pas pour amener les gens à aimer les 80%. Je ne leur rentre pas dedans en leur imposant un truc minimal ou underground, j’emmène toujours dans mon sac de quoi les satisfaire un peu, parce qu’après ça je peux jouer ce que je veux. Je peux les entrainer à écouter autre chose« . Elle ne se cantonne pas elle même à n’écouter que de la house: « Du rock, Placebo ou Radiohead, Massive Attack, Portishead, Blur, Pulp. Des choses qui enrichissent mon mix«
Jennifer aimerait également travailler sur des bandes originales de films, autre territoire d’accueil possible pour sa musique : sa participation musicale, e compagnie de Sextoy pour la BO de Baise moi en est une preuve. Idéalement, on voudrait la voir arpenter les bandes sonores de ses cinéastes fétiches, tous des auteurs à forte personnalité, créateurs de dimensions colorées : Atom Egoyan, Peter Greenaway, David Lynch Histoire de passer de la boîte de nuit au grand écran, et continuer à mixer les univers, en passionnée éclairée.
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