Deux ans après l’épileptique Capture/Release, les Rakes reviennent pour nous parler de leur tout nouvel album plus pop et mélodique, Ten New Messages. Retrouvailles hilarantes avec le très drôle quartet anglais. En prime, découvrez le clip de We dance together et écoutez When Tom Cruise Cries.
Comment vous sentez-vous, psychologiquement comme physiquement ?
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Alan Donohoe : Ah, comme une visite chez le docteur ? Un peu crevé, nous nous sommes levés tôt Mais sinon ça va plutôt pas mal. Je me sens un peu mou : ce boulot, c’est un peu tout ou rien, nous sortons d’une période d’inactivité, et c’est un peu difficile de se réadapter au rythme.
Comment vous sentiriez vous si vous n’étiez pas dans un groupe ? Le monde aurait-il le même effet sur vous ?
Alan : Ce ne serait peut-être pas si différent. Nous lisons les journaux, nous regardons les news à la TV, sur Internet, nous ne sommes pas déconnectés des réalités.
Matthew Swinnerton : Ce que je décrivais était valable pour les tournées, pas pour le fait d’être dans un groupe. Etre dans un groupe ne t exempte de rien. Au contraire, d’ailleurs : faire partie d’un groupe te laisse énormément de temps libre. C’est quelque chose dont tu ne disposes pas quand tu es enfermé dans un bureau de 8 à 17 heures, toute l’année Mes deux dernières années ont culturellement été les plus riches depuis longtemps : j’ai pu beaucoup lire, notamment chez moi, durant nos périodes d’inactivité. Et c’est quelque chose que j’ai toujours aimé faire, mais qui m était impossible.
Alan : Etre dans un groupe ne te fait pas échapper à des sentiments communs à tous les boulots, certaines angoisses, des problèmes financiers, des micro-emmerdements. Mais la différence la plus drôle et que quand tu fais un concert, donc ton boulot, il y a quelques centaines de personnes qui t’applaudissent si tu l’as bien fait. C’est beaucoup plus rare dans un bureau’ Ce serait marrant, une haie d’honneur de gens te félicitant d’avoir bien fait ce que tu avais à faire, te disant que tu es merveilleux Ou te demandant un rappel !
Matthew : Je me vois bien, dans l’open space d’un call center, les gens m acclamant de partout, hurlant mon nom « J’adore la manière dont tu réponds au téléphone ! »?
Culturellement, profondément, sentez-vous une évolution en Grande-Bretagne ? Et en particulier depuis l’arrivée de Blair au pouvoir ? La culture populaire britannique n’est-elle pas en profonde mutation ?
Alan : Quelle question complexe ! Je ne sais pas ! (ironique) Nous sommes’ dans un groupe Nous ne sommes pas qualifiés pour répondre à ça ! Nous sommes supposés être bourrés à cette heure, pas en train de parler de politique !
Non, mais sérieusement, je suis incapable de répondre à ça.
Vous sentez-vous très britanniques, Anglais ? Cela veut-il encore dire quelque chose ?
Alan : Les choses se globalisent, mais je sens encore de l’idiosyncrasie chez les Anglais ou les Britanniques ; une utilisation particulière du langage, un certain type d’humour. J’imagine qu’il m’est plus facile de m’entendre de manière très profonde avec quelqu’un partageant ça avec moi Dans cette perspective, oui, je me sens encore un peu Anglais.
Jamie Hornsmith : Je me sens plus Anglais quand je suis à l’étranger, et en particulier aux Etats-Unis. C’est assez logique. Même si je ne sens plus une énorme différence entre notre culture et la culture américaine. Des détails, plutôt, ce sont eux qui font les cultures.
Vous êtes de gros fans de la série The Office il me semble ?
Matthew : Oui, on adore The Office, mais ce n’est plus très jeune. C’est en DVD maintenant Mais c’est un point commun entre nous tous : on était très fans de la série quand on a commencé The Rakes, on blaguait en permanence là-dessus. D’ailleurs, les gens ont souvent parlé de 22 Grand Job, et de notre groupe en général, comme le premier groupe post-David Brent
Vous imaginez-vous travailler à nouveau dans un bureau ?
Alan : Oui, sans problème. J’aimais bien mon boulot derrière un bureau, le petit rythme qui allait avec, avoir mon porte-documents plein de tâche à effectuer le matin, et le voir vide le soir
Matthew : D’ailleurs, quand on écrit un morceau, Alan met son veston et sa cravate, se met devant un ordinateur, et chacune de nos idées et suggestion doit d’abord passer par son porte-documents, avant qu’il ne la traite méthodiquement (rires) Une petite bureaucratie. « Je dois écrire un tube avant 3 heures ! »
Alan : Mais plus sérieusement, j’aimais plutôt mon boulot, je bossais pour un hôpital’ J’appréciais mon porte-documents, ma souris, mon repose poignet Et surtout, ma tasse de thé?
Matthew : Bon, je pourrais aussi sans doute le faire, mais je ne partage pas son enthousiasme Si j’arrive à ne plus jamais remettre les pieds dans un bureau de toute ma vie, j’irai sans doute à la tombe en homme heureux.
Que signifie le mot escapisme pour vous ? Est-ce important ? Avez-vous l’impression d’être des entertainers, ou les choses vont-elles plus loin que ça ?
Alan : Ma copine se fout de ma gueule, elle me dit en permanence que c’est ce que je suis, un entertainer. Du genre à paillettes. Et quand on va au Japon, il faut remplir une fiche d’immigration, et c’est notre appellation officielle : entertainers. Quant à l’escapisme, je ne crois pas que notre musique ou nos paroles le soient. Au contraire, peut-être, on essaie d’écrire des textes reliés au vécu des gens : s’ils entendent le morceau et connaissent la situation qu’il décrit, ils ne s’en échappent pas. Mais ça peut être une forme de confort de pouvoir s’appuyer sur une chanson quand on vit quelque chose.
Matthew : Certains groupes créent une sorte de monde parallèle, dans lequel ils opèrent œils utilisent leur imagination pour fournir un fantasme. Pas du tout notre cas, voire tout l’inverse : nous utilisons notre imagination pour écrire des chansons auxquelles les gens peuvent se rattacher. C’est toujours le cas sur le deuxième album, mais avec un contexte différent : il y a une sorte de fil rouge, assez lâche, qui lie les morceaux. On regarde un peu plus le contexte social, les grands événements ; plutôt que des petits instants de vie.
Quand vous êtes arrivés, le nouveau phénomène rock n’était pas encore au point qu’il a atteint aujourd’hui. Qu’est ce que cela vous fait ? Cette profusion vous a-t-elle influencé quand il vous a fallu enregistrer le deuxième album ?
Alan : Quand on appartient à une plus petite scène que les habituels squatters de FM, il arrive un moment où tu as toi aussi envie de passer la barre du mainstream. C’est un peu notre cas, mais ça peut marcher contre nous comme ça peut être positif. On ne sait pas encore ce qui va se passer pour les Rakes. C’est en même temps stressant et excitant. Nous attendons.
Jamie : On a jeté une bouteille à la mer, et on attend de voir si quelqu’un va la trouver ou pas. Mais nous étions très confiants pendant l’écriture.
Matthew : Mais finalement, on n’enregistre pas un album avec pour motivation de développer le groupe sur tel ou tel secteur, on essaie simplement d’élargir un peu l’horizon. Nous ne sommes pas stupides, nous sommes conscients des intérêts financiers en jeu, que des gens attendent un retour sur investissement. Mais quand tu es en studio, si tu penses un peu trop fortement à ça, ça s’entend, irrémédiablement. Quand des gens ont commencé à s’intéresser aux Rakes, au temps des premières démos, ils appréciaient un groupe de types jouant dans une pièce et mettant beaucoup d’énergie dans ce qu’ils faisaient, nous étions un groupe qui joue dans des pubs, fait des tournées à l’arrière d’un van. Quoiqu’il arrive au groupe, nous sommes passés par là. Mais il faut aussi savoir changer.
Vous voudriez devenir énormes ?
Jamie : C’est bon de devenir énorme, mais de conserver sa crédibilité.
Alan : Comme Robbie Williams. (rires)
Jamie : Ceux qui deviennent très vite très gros, qui se retrouvent en quelques semaines en haut des charts, sont suivis par un public massif de jeunes adolescents, et n’ont souvent ni substance ni crédibilité. Les Rakes ont toujours été plus lent : nous prenons notre temps.
Alan : D’autres groupes sont plutôt des Ferrari (rires)
Jamie : Les Kaiser Chiefs sont énormes, le sont devenus très rapidement : mais il n’y a pas grand-chose derrière, ils sont célèbres mais pas vraiment respectés.
Alan : Merde, j’espère qu’on va pas les croiser dans les festivals’ Bon, il est quand même assez intéressant de se retrouver en possession d’une montagne d’argent j’ai été pauvre, je préfère la richesse. Mais si tu es un groupe qui veut être gros simplement pour le plaisir d’être gros, et célèbre, il y a quelque chose qui ne va pas.
Matthew : Qu’elle évolue ou non, notre situation est quand même déjà ultra enviable pour la plupart des gens : nous sommes payés pour jouer notre musique. C’est quelque chose que j’ai voulu faire, depuis tout petit.
Dans quelles conditions avez-vous commencé à penser à Ten New Messages ? Vous aviez une idée claire de ce qu’il allait être ?
Jamie : On a commencé à l’écrire avant même que le premier album ne sorte, nous n’avons jamais réellement fait de pause en ce qui concerne l’écriture. Nous avons joué, en concert ou pendant les soundchecks, certains morceaux depuis plus de deux ans. Ca nous faisait une bonne base, naturelle, pour le deuxième album. Et quand nous sommes entrés en studio, nous avons mélangé ces morceaux déjà anciens à des morceaux plus récents. Les fondations étaient là.
Matthew : Nous avions une idée plut ou moins directrice : mettre plus d’espace dans les morceaux. Mais il est très difficile de réaliser concrètement une idée que tu as dans la tête : il faut alors mettre cette idée dans chaque phase de la conception d’un morceau, et c’est soit difficile, soit impossible. Nous sommes quatre, pas forcément toujours avec les mêmes conceptions en tête ; c’est au producteur de décider quelle idée peut être conservée, quelle idée doit être abandonnée. Tout ce que nous savions, c’est que nous voulions changer un peu de territoire, ne pas nous contenter de petites bombes punk de 2 minutes.
Ten New Message sonne effectivement très différemment de Capture / Release? Plus pop, plus relâché, peut-être ?
Jamie : Ca résume assez bien les idées que nous avions, vaguement, de ce que serait l’album.
Matthew : Toute la difficulté était que nous voulions effectivement quelque chose de plus pop, mais sans perdre les angles, conserver ce qui identifie les Rakes. En plus des paroles.
Parle-moi des paroles ? Du thème général qui les sous-tend ?
Alan : C’est venu de la première chanson de l’album, The World Was a Mess But His Hair Was Perfect. L’idée était d’essayer de lier des sujets assez globaux, voire assez sérieux, à des histoires de tous les jours, à des portraits, des personnages. Parler subtilement de la guerre au terrorisme en parlant de la vie de quelqu’un en particulier Des choses comme ça, un peu plus larges que des histoires sur le bureau ou l’alcool, mais toujours basées sur des personnages. La technique est restée la même, ça parle souvent à la première personne, les gens peuvent se référer à ces paroles, y infuser leur propre expérience. Mais au lieu de parler de la vie dans un bus de tournée, on essaie de relier les personnages à des contextes politiques ou sociaux.
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