Débarquée sans le sou de Nouvelle-Zélande, Sophie Moleta a trouvé en France un refuge pour sa pop ascétique et ambitieuse. La pochette a de quoi faire peur. Noyée dans un flou mollement hamiltonien, on y voit une sylphide court vêtue se pâmant devant un miroir et par reflet, le symbole d’un narcissisme verbeux à […]
Débarquée sans le sou de Nouvelle-Zélande, Sophie Moleta a trouvé en France un refuge pour sa pop ascétique et ambitieuse.
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La pochette a de quoi faire peur. Noyée dans un flou mollement hamiltonien, on y voit une sylphide court vêtue se pâmant devant un miroir et par reflet, le symbole d’un narcissisme verbeux à la Tori Amos, avant-goût d’un désastre musical annoncé. Les notes du livret rassurent. Quand on se réclame, pour l’inspiration, de Kate Bush, John Martyn ou Mary Margaret O’Hara, on mérite au moins le respect, celui accordé aux outsiders sachant placer la barre très haut, plus haut même que leurs aspirations les plus folles. La bio détonne. Originaire de Nouvelle-Zélande, Sophie Moleta a longtemps résidé à Perth, Australie (où elle s’illustrait dans les Brautigans), avant de débarquer en France au printemps dernier, avec pour tout bagage un Roland DX7 et quelques copies de Trust, disque fait main et maison. A peine un an plus tard et quelques rencontres déterminantes (Hector Zazou, entre autres, qui produit une grosse partie de l’album), Sophie Moleta fait, avec Dive, son entrée officielle dans les bacs français, telle une météorite dont on n’a même pas commencé à mesurer l’impact exact…
Le titre, quant à lui, est parfait. C’est effectivement la tête la première qu’on plonge dans Dive, sans retenue, et ce dès le premier morceau, un Octave war chichement drapé d’un synthé en volute de fumée froide, comme s’échappant d’un cendrier abandonné au petit matin, après une longue nuit d’insomnie. Rien à voir avec l’esthétique proprette de la pochette. Sous des dehors vaguement (et sagement) romantiques et quelques tics qui s’estompent au fil des écoutes, Sophie Moleta cache une âme d’écorchée vive, une tronche de première de la classe qui aurait mal tourné. A quoi bon une formation classique, quand on réduit ainsi son jeu de piano à quelques notes avaricieuses, soulignées çà et là, pas souvent, d’un violoncelle profondément caverneux (10 x 2), d’une guitare geignant d’un plaisir malsain, presque masochiste (God and fire) ? Il y a de l’ascèse dans ces chansons à la trame mince et forte, écrites comme au sortir d’une retraite monacale, d’une cellule d’anachorète, les joues hâves et les yeux encore douloureux d’affronter la lumière et la réalité du jour. Sophie Moleta chante comme danserait une ballerine brisée, d’une voix tour à tour haut perchée puis chutant brusquement et se tordant de souffrance, avant de se redresser péniblement et de tendre encore vers la grâce on pense à Kate Bush bien sûr, mais sans l’innocence ni l’exubérance, une Kate Bush au pain sec et à l’eau, ou encore une Joni Mitchell en herbe brûlée.
A la fois crue et climatique, la musique de Sophie Moleta aspire dans les profondeurs d’une dépression (mal) traitée au Prozac, en ces eaux troubles où la conscience, artificiellement dopée, joue à cache-cache avec elle-même. Jeu de dupes, où tout le monde finit par gagner, elle comme nous. Et dire qu’on avait failli se laisser abuser par la pochette.
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