Le tromboniste afro-américain Jay Jay Johnson, l’une des dernières grandes figures historiques du be-bop, s’est suicidé le 4 février à son domicile d’Indianapolis, pour échapper aux souffrances ultimes d’un cancer de la prostate parvenu au stade terminal. Il venait juste d’avoir 77 ans.
Après une courte période d’apprentissage au début des années 40, auprès de grands noms du middle jazz (Lionel Hampton, Benny Carter, Count Basie) J.J. Johnson, encore sous l’influence des grands trombonistes classiques comme Trummy Young et Dicky Wells, s’émancipe radicalement en découvrant dès 1946 les innovations révolutionnaires des musiciens de la 52e Rue, Charlie Parker et Dizzy Gillespie.
Il a 22 ans et forme aussitôt un orchestre dans ce nouveau style (avec notamment Bud Powell au piano et Max Roach à la batterie) et travaille intensément alors avec le saxophoniste Sonny Stitt.
Premier tromboniste à tenter d’acclimater son instrument au langage bop, ultra-sophistiqué et torturé, Johnson devient rapidement la nouvelle référence. Il joue avec Illinois Jacquet, Hank Jones, fait partie de l’orchestre de Woody Herman et participe au légendaire big band bop de Gillespie (1949-51), pour finalement prendre un peu de recul au début des années 50.
Il sort de son silence deux ans plus tard en s’associant avec un autre tromboniste Kai Winding, pour former le Jay and Kay Quintet(1954-56) qui connaît un succès considérable. Le duo se reformera en 58 et les deux hommes se retrouveront encore sur disque à deux reprises en 1960 et 1968. Le tournant des années 60 est un moment d’apogée dans sa carrière. Il enregistre ses meilleurs disques, joue avec Miles Davis, Sonny Stitt, et devient un compositeur-arrangeur extrêmement réputé (Lament).
Sur les conseils de Quincy Jones, il monnaiera ce talent à partir des années 70 en travaillant pour les studios Hollywoodiens (ciné & TV), écrivant des scores pour la Blaxpoitation (Cleopatra Jones, Top of the Heap?), et arrangeant la musique de quelques séries TV à succès (Starsky & Hutch)? Il poursuit pendant ce temps sa carrière de jazzman en dilettante et ce n’est qu’en 1987 qu’il décide de s’y consacrer de nouveau à plein temps. Il forme alors un nouveau quintet, tourne aux USA et obtient un engagement au Village Vanguard qui le relance définitivement.
La dernière partie de sa carrière sera une somptueuse évocation nostalgique de ses années de gloire, miné ces derniers temps par la maladie. J.J. Johnson restera dans l’histoire du jazz comme un tromboniste virtuose et lyrique, à la sonorité inimitable, veloutée et empreinte d’une inquiète gravité, au phrasé staccato, acrobatique mais toujours étonnamment équilibré.