Il était le cerveau de Pearls Before Swine, l’un des trésors underground des sixties. Il avait 70 ansIl était le cerveau de Pearls Before Swine, l’un des trésors underground des sixties. Il avait 70 ans.
Pas de « Breaking news » clignotante, encore moins de bandeau BFM ou de concert éploré des habituels crocodiles des réseaux sociaux qui RIPent plus vite que leur ombre. La nouvelle de la disparition de Tom Rapp, un mois avant son 71ème anniversaire, s’est répandue presque sans bruit, telle une onde de choc étouffée à la marge de Twitter et de Facebook, conforme finalement à ce qu’aura été l’existence de ce musicien américain un rien fantomatique. Pourtant, avec son groupe Pearls Before Swine, Tom Rapp a signé deux des albums cultes du psychédélisme US, One Nation Underground en 1967 et Balaklava l’année suivante, publiés sur le label avant-garde ESP-Disk, spécialisé dans le free-jazz radical et le proto-punk (The Fugs, The Godz), au sein duquel ils faisaient presque figure de bluettes pour hippies.
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La Floride côté obscur
Avec leurs pochettes reproduisant des tableaux de Jérôme Bosch ou Brueghel L’Ancien, leurs références ésotériques, de la mythologie grecque à Tolkien, les curieux qui se risquèrent sur ces disques à l’époque n’en furent pas rassasiés des envies de « trip » qui constituaient l’ordinaire du psychédélisme multicolore. Hormis un orgue acide sur certains titres, le folk introverti et parfois impénétrable de Tom Rapp était alors serti d’instruments anciens, de chœurs tombant du ciel, appartenant à la même famille de parias que Bill Fay, parmi ces trésors obscurs que les fétichistes se refourguaient sous le manteau. Si Pearls Before Swine établirent leurs quartiers sous le ciel radieux de Melbourne, en Floride (ça ne s’entend pas dans leur musique), Tom Rapp était originaire de contrées moins clémentes. Né dans le Dakota en 1947, sa famille d’enseignants avait migré dans le Minnesota et il hérita tout minot d’une guitare en bois pour se réchauffer. Pas manchot avec l’instrument, il participe même à un concours à Rochester, décrochant la troisième place, deux encablures devant un certain Robert Zimmerman, qui le toisera des années plus tard sous le nom de Bob Dylan. S’il reste quelque chose de Dylan dans la musique de Top Rapp, et notamment dans sa diction parfois trainante, voire chuintante, les disques de Pearls Before Swine et ceux qui publiera sous son nom (Familiar songs et Stardancer en 72, Sunforest en 73) ne possèdent pas la même force fédératrice que ceux du futur prix Nobel. C’est toutefois Leonard Cohen qu’il choisit de reprendre sur le deuxième album, sa version de Suzanne atteignant la même intensité sensuelle que l’originale.
Avec ses lunettes rondes, sa barbiche et les orchestrations plus classiques, il se rapproche plus volontiers à l’époque de John Lennon, sans évidemment rencontrer le moindre écho comparable. C’est tardivement, au cours des années 90, que les albums de Pearls Before Swine (le deux premiers, puis ceux des seventies sortis chez Reprise) et ses disques solos, réapparaitront à la lumière. Quelques années plus tôt, Psychic TV ou This Mortal Coil avaient entrouvert la porte à travers des reprises de Translucent Carriages et The Jeweller.
Avocat
La radicalité et la douceur mêlées des albums de Pearls Before Swine résonnent alors auprès d’autres jeunes folkeux non alignés comme Damon & Naomi ou Devendra Banhart, et auprès de la nébuleuse post-rock qui désigne l’Américain parmi les briseurs de dogmes les plus importants des années 60. Entre temps, Tom Rapp a lâché la guitare pour le barreau en devenant avocat, mais à l’appel général il reviendra sur scène en 97, vingt ans après avoir décroché. Un ultime album, A journal of the plague year, sortira en 1999. Il comprenait le titre The Swimmer, dédié à Kurt Cobain.
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