Le musicien Pierre Boulez vient de disparaître à l’âge de 90 ans. Il était une figure immense de la musique moderne, non seulement en France mais dans le monde entier.
Compositeur, chef d’orchestre et pédagogue, Pierre Boulez vient de s’éteindre à Baden-Baden en Allemagne à l’âge de 90 ans. Personnage incontournable de la scène musicale mondiale, il était une sorte de grand manitou de la musique classique et contemporaine en France. Il avait réussi grâce à sa puissance créatrice et son énergie à rendre vivante et plus accessible la musique contemporaine, considérée comme difficile et cérébrale. Le succès de la Philharmonie, institution qu’il avait participé à imaginer et à imposer, et dont on peut faire en quelque sorte le symbole, en témoigne.
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La carrière de Pierre Boulez recouvre l’ensemble du spectre de la musique du siècle qui vient de s’écouler, de la musique sérielle à la musique la plus moderne, avec l’utilisation en précurseur de l’électronique. S’étant lancé dans la direction d’orchestre pour diriger ses propres compositions d’une redoutable complexité, il avait appris peu à peu son métier et il était bientôt devenu un chef réputé, qui parcourait le monde pour diriger les plus prestigieux orchestres dans une répertoire qui embrassait toute la musique classique.
Influences et rencontres
Pierre Boulez est né en 1925 dans une famille non musicienne, mais ses dons musicaux (il avait l’oreille absolue) s’étaient rapidement révélés et il avait appris le piano. Installé à Paris à 18 ans, il rate le concours d’entrée de piano au Conservatoire national et rentre dans la classe d’harmonie d’Olivier Messiaen (1908-1992), immense compositeur et organiste, curieux d’explorations harmoniques et rythmiques qui participeront à sa formation. Autre influence d’importance, le compositeur et théoricien René Leibowitz (1913-1972), qui lui fait découvrir l’école viennoise du début du XXe siècle : Schoenberg, Berg, Webern, inventeurs de la révolution du dodécaphonisme, qui rompt avec la musique tonale en mettant sur le même plan les 12 notes de la gamme, puis ensuite la musique sérielle qui complexifie la composition en s’imposant de suivre une « série » de ces 12 notes.
Mais Pierre Boulez, forte personnalité adepte de la rupture créatrice, après s’être imprégné de ces innovations imposera peu à peu ses idées et ses créations. Son travail sera marqué d’un côté par une profonde exigence théorique et formelle, sans doute liée à sa formation scientifique, et en contrepoint (!) par une relation passionnée à la littérature, comme en témoignent ses compositions autour de poètes tels Char ou Mallarmé.
En attendant, pour survivre il joue des ondes Martenot aux Folies-Bergère, ensuite il travaillera plusieurs années avec la Compagnie Renaud-Barrault. Il crée Le Marteau sans maître en 1955 sur des textes de René Char, “qui devient vite une partition-phare de la modernité”, comme l’écrit Renaud Machart dans Le Monde.
Le musicien fonde dans ces années-là le Domaine musical, une société de concerts où sera joué un répertoire allant de la musique du Moyen Age à l’avant-garde, car Boulez, tenant de la modernité la plus novatrice, veut aussi mettre en évidence le lien entre les musiques du passé et celles de notre temps.
Exil et consécration
Après une longue brouille avec les instances culturelles françaises, et un exil en Allemagne, il revient à Paris pour fonder en 1976, l’Ensemble intercontemporain (EIC), premier orchestre français permanent de musique contemporaine, et en 1977 l’Ircam (Institut de recherche et de coordination acoustique/musique). Lié au centre Pompidou, l’Ircam est devenu une institution phare, dans laquelle il promeut les innovations musicales et techniques, introduisant l’électronique dans ses propres compositions, comme par exemple dans Répons, considéré comme son chef-d’œuvre.
https://www.youtube.com/watch?v=NK3YoFSQp08
Après avoir abandonné la direction de l’Ircam, il s’était consacré à une carrière de pédagogue et de chef d’orchestre avec les plus grands orchestres.
Personnalité ombrageuse et intransigeante, Pierre Boulez a influencé les jeunes musiciens de notre temps. Il leur faudra maintenant trouver leur place en suivant la leçon de ce grand maître qui n’a jamais hésité à ruer dans les brancards et à rompre avec les figures du passé quand elles étaient devenues carcans.
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