Mixer musiques savantes, influences krautrock et expérience
club : c’est le pari réussi par le premier album du duo
parisien Discodeine. Avec Jarvis Cocker en invité de luxe. Critique et écoute.
Onze février, 1 h 36, Paris. Les basses discoïdes et un poil Michel Berger de Synchronize résonnent dans la pièce principale du Point Ephémère, où la foule se presse, compacte. Le collectif Dirty fête son anniversaire : dix ans d’activisme électronique, de fêtes, d’edits, de compiles pointues et avant-gardistes. Derrière leurs ordinateurs, Pilooski et Pentile, deux piliers de Dirty qui forment le duo Discodeine, esquissent un léger sourire.
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Dans la salle, l’excitation monte. Costume en velours, cheveu au ras des joues, une silhouette longiligne contourne les machines et s’avance du fond de la scène un micro à la main : Jarvis Cocker. Dans la salle, c’est l’explosion dès le premier couplet de Synchronize qui, joué par les radios et les télés (le générique du Grand Journal), fait déjà office de tube. Soulagement, les années n’ont pas eu de prise sur la gestuelle du chanteur de Pulp. Avec Baxter Dury et l’électronicien chilien Matias Aguayo, Jarvis est un des invités de marque du premier album de Discodeine.
Le duo, qui s’est rencontré en 2005 via le label Diamontraxx, aujourd’hui disparu, s’était jusqu’alors illustré dans des formats courts : edits brillants de Pilooski (le plus connu restant Beggin’ de Frankie Valli), remixes (pour Metronomy, LCD Soundsystem) et maxis clubs. “Je me suis longtemps demandé si ça valait le coup de faire un album”, avoue franco Pilooski, alias Cédric Marszewski, brun beau gosse à l’allure rétro chic et au visage taillé au couteau. “Nos maxis étaient composés à destination des DJ et n’avaient pas lieu d’être sur un album. Mais nous avions l’envie d’amener une approche clubbing dans la pop.”
Pilooski, qui a “tout appris à l’oreille”, fait ses débuts dans le hip-hop, achetant des vinyles à tour de bras, samplant comme un forcené. Il produit pour des labels indés américains pendant de longues années, avant d’être lassé par un milieu “pas très ouvert musicalement, surtout en France. Il y avait un refus de la musique blanche. Depuis Daft Punk, c’est différent : la techno a été intégrée dans le son hip-hop.” Etudiant, il passe deux années “décisives” à Manchester, pendant la seconde période de L’Hacienda, club mythique. “Ça m’a conforté dans l’idée qu’on pouvait tout écouter. Le style musical importe peu, c’est une histoire de moment.”
A ses côtés, Benjamin Morando, alias Pentile, acquiesce. De formation plus classique, ce passionné de vieux synthés est le pendant expérimental et electroacoustique du duo. “J’ai essayé, adolescent, de jouer dans des groupes vaguement new-wave, mais ce n’était pas mon truc : les répétitions, l’ambiance… J’ai donc commencé à faire de la musique seul.” Au milieu des années 2000, il sort sous le nom d’Octet quelques albums d’electronica remarqués, ou plus énervés avec Krikor, sous le nom de France Copland.
Puis vient l’expérience Discodeine. Avec pour seules balises celles indiquées par son nom (“disco”, pour la musique club au sens large, et “codéine”, pour le côté plus malade, flottant), le duo produit une musique difficilement définissable, surprenante de bout en bout : ce premier album invite des harpes dans des morceaux club, des voix comme des synthés, des purs moments de transe krautrock, des respirations dark, des textures folles, des litres de transpiration. Pochette superbe, douze titres, overdose recommandée.
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