Propriétaire d’une formule rodée et toujours séduisante, Pulp gère son trésor au taux minimal de risques. Depuis des années, ce journal a consacré une énergie rare à défendre l’un des groupes les plus sous-estimés de l’histoire rock récente, emmené par un type justement aimé pour sa façon unique de “ne pas être dans le coup”. […]
Propriétaire d’une formule rodée et toujours séduisante, Pulp gère son trésor au taux minimal de risques.
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Depuis des années, ce journal a consacré une énergie rare à défendre l’un des groupes les plus sous-estimés de l’histoire rock récente, emmené par un type justement aimé pour sa façon unique de « ne pas être dans le coup ». Personne ne croyait alors en Pulp c’est à se demander si Jarvis Cocker lui-même y croyait. Les disques du groupe sortaient en quasi-contrebande, certains ne sortaient même pas du tout. C’était une autre époque, Pulp appartenait à une classe différente… Aujourd’hui, méchant cas de conscience : comment, après tant de batailles livrées, tant de lentes frustrations, ne pas paraître un brin cyniques devant la victoire commerciale d’un groupe qu’on a pourtant toujours rêvé de voir à pareille fête ? Comment oser ne plus s’enthousiasmer pour ses disques de bons disques, certes, mais par un groupe qui nous avait habitués à l’excellence ? De Different class, on attendait davantage que la répétition mécanique d’une formule maintenant largement éprouvée : cette manière cinématographique de faire du rock, avec une tonne de lumières, des mouvements de caméra ultra-efficaces, des tas de contre-plongées bien senties et plein de gros zooms sur la vedette. Des petits clips : voilà ce que sont devenues aujourd’hui les chansons d’un homme qu’on a connu moins à son aise, moins glamour, plus chétif. Des petits clips marrants comme tout, certes, mais pas forcément bâtis pour l’épreuve du temps, à l’inverse de ces chefs-d’œuvre éternels que sont Dogs are everywhere ou My lighthouse. C’est pourtant maintenant, à l’heure où tous voient en lui une sorte de génial messie pop (on croit rêver…) que Jarvis Cocker devrait oser les plongeons les plus fous, les dérapages les plus absurdes. Qu’il bouscule ces musiciens blafards, ancrés dans leurs lâches certitudes, qu’il se fouille un peu le ventre, cesse enfin d’utiliser son cerveau supérieur comme unique carburant, qu’il nous parle un peu de lui au lieu de nous raconter avec une astuce toujours croissante, d’ailleurs ses infatigables petites histoires d’Angleterre. A ce propos, une pensée terrifiante nous traverse : et si ces textes-là, malins, drôles, pas toujours chastes, n’étaient finalement rien d’autre que les équivalents anglais de nos gaudrioles nationales, des Escrocs aux défunts Elmer Food Beat ? Triste idée, je sais, mais pas si stupide que ça. Assis sur son coffre bourré d’or, tel son collègue Noel Gallagher (économe chez Oasis), Jarvis Cocker ne bouge plus. Il s’est trouvé une route et ne compte pas en dévier. Le plus absurde dans cette histoire étant qu’on est disposés à le lui pardonner. En attendant mieux.
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