Pendant que Jean-Louis Aubert donnait un concert privé NRJ au Point Ephémère, il y avait Didier Super au Bataclan. Un combat bien plus palpitant finalement qu’un match de l’équipe de France…
Didier Super, pour ceux qui ne connaissent pas, c’est l’histoire d’un mec qui a sorti selon Télérama le « plus mauvais disque du monde et de tous les temps ». « Vaut mieux en rire que de s’en foutre », le premier disque du trublion, se voyait ainsi auréolé par le journal des profs d’un canon, symbole qui n’a pas dû déplaire au cancrelat.
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Didier Super quand on connaît à peine, c’est aussi un refrain « y en a des biens » qui circule à l’heure de l’apéro-pastis. On a déjà dû mal à imaginer que l’animateur le plus con de la bande FM puisse remplir le Cirque d’Hiver alors de là à imaginer le chanteur le plus con bourrer le Bataclan’et pourtant, y en a quand même des sacrément motivés ce soir, un public qui réunit une poignée de trentenaires curieux, pas mal d’ados et beaucoup de mâles torse-poils qui hurlent au Didier.
Comme pour remercier (avant de les insulter) les jeunes serrés au premier rang, l’idole des rigolards démarre par un « On a tous en nous quelque chose de Tennessee », désaccordé et bruitiste mais pas dénué de charme. Mais aussitôt le sas de décompression passé, Didier repart au combat, mort à la poésie et à tout ce qui s’en suit ! A la scène comme sur son disque, le chansonnier-trash incarne une sorte de Pine d’huître très très méchant, souvenez-vous le scout campé par Antoine Decaunes, les dents en avant, les lunettes cassées. Didier c’est un peu ça, avec le col roulé en lycra qui laisse dépasser le bide en prime.
Didier, il est là pour faire chier le monde, le superla(xa)tif lui va comme un gant, le plus politiquement incorrect, le plus mauvais, le plus méchant, le plus cyniqueœil ne se gêne pas pour rappeler aux gens qu’ils ont quand même payé 22 euros pour venir voir cette merde. Personne n’est épargné et c’est vrai que c’est assez marrant.
A un moment donné Didier viens se mettre à l’arrière « C’est là que y a les bonnes meufs et les vieux et les vieux y sont pas chiants ». Il s’installe près de l’ingénieur son et demande au public de s’asseoir pour entonner sa chanson d’amour à Céline, brûlée à l’acide. Tel un professeur Choron survitaminé il casse tout enthousiasme et tout mouvement de communion en ponctuant ses refrains revanchards par des saloperies bien senties : « Quand je vois ta gueule je comprends mieux pourquoi j’ai autant de succès. ».
Sadique, masochiste, dérisoire et autodérisoire, Didier Super manie l’anti-phrase à tout bout de chant en surjouant le débile : « Je suis un chanteur engagé, moi, je chante contre le racisme. » et comme pour montrer que l’exercice est vain, il balance au-dessus de sa tête une poignée de confettis. « Vous avez payé, de toute façon j’m’en fous, vous applaudirez a toutes mes conneries, c’est le bizness ».
Au bout d’un moment, le lycra se tâche de sueur, l’humour contre-pied et contre-pets, ça fatigue. Didier crache sur la meute et celle-ci rit et l’acclame de plus belle, combat perdu d’avance. Du Ludwig von 88 passé à la moulinette nihiliste, l’aboutissement d’une certaine musique alternative des années 80 qui arrive au stade du nonsens pour pouvoir échapper au sacro-saint système et après ?
Allez ne soyons pas si profond, ça serait faire injure à notre bouffon de seconde classe. Au fond Didier Super c’est juste un bidule bien régressif qui rejoindra bientôt notre mémoire récrécollective, un peu comme les crados de nos douze ans, « Hé, tu te souviens de Jean-Louis dégueulis ? ».
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