Les Nuits de Fourvière ont débuté depuis presque un mois déjà quand nous arrivons à Lyon. Au milieu d’une programmation très éclectique mêlant théâtre, danse, musiques et cinéma, se sont glissés quelques perles. dEUS, Franz Ferdinand, Adam Green et The Strokes dans un cadre antique unique, vous en rêviez ? Fourvière l’a fait.
Le soleil brille encore sur la colline de Fourvière quand les cinq belges de dEUS investissent la scène du théâtre antique.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Santiags aux pieds et chapeau de cow-boy vissé sur la tête pour certains, costumes trois pièces pour d’autres, les grands gaillards de dEUS ne débarquent pas en terre inconnue. Dix ans plus tôt, ils ont précédé ici même le défunt Jeff Buckley, accompagné de Marianne Faithfull.
En plus d’un son humainement insupportable -les boules Quiès sont de rigueur si on ne veut pas y laisser un tympan-, le quintet semble être aux abonnés absents.
Seul le charismatique Tom Barman s’amuse comme un gosse, et se roule par terre, au beau milieu d’un show fade, sans grande ambition. Entre des ballades savamment soporifiques, et des dérapages rock violents, mais brouillons -le son, encore le son- dEUS peine à convaincre un public venu en grande partie, il faut bien le dire, pour la tornade écossaise Franz Ferdinand.
Achètent-ils leurs t.shirt rayés par lot de dix ou ont-ils un prix de groupe C’est la question essentielle que l’on se pose à l’arrivée de Franz Ferdinand sur scène.
Très propres sur eux, entourés de podiums tapissés de velours rouge, les quatre compères n’attendent pas une minute pour mettre leur gigantesque machine à tube en route.
Des classiques et puissantes bombes rock Do You Want To et Michael, aux pépites pop Walk Away et The Fallen, sans oublier le désormais hymne universel Take Me Out, Franz Ferdinand réalise ici son « meilleur concert » selon Alex Kapranos. On n’en doute pas. Il semble bien loin le temps où les petits écossais se contentaient de jouer leurs albums tels quels, dans un show ultra chorégraphié, où rien n’était laissé au hasard. Bien sûr, le son est toujours aussi propre, mais la bande à Kapranos s’autorise maintenant des écarts de conduite.
Sourire cynique aux lèvres, toujours aussi arrogant, le petit prince à mèche se laisse emporter par la folie, n’hésitant pas à se jeter par terre, tenter un début de French Cancan, ou venir narguer un public béat d’admiration. On entendra même les premières notes de La Marseillaise entre deux chansons.
Les quatre complices se permettent tout et n’importe quoi, allant jusqu’à jouer au jeu des chaises musicales. Le public ne comprend d’ailleurs plus rien quand le batteur, remplacé provisoirement par un apprenti Franz Ferdinand, empoigne une guitare, ni quand un mini clone d’Elvis débarque sur scène pendant que trois fous furieux -dont un technicien qui passait par là- s’acharnent à martyriser la batterie à paillettes dorées de Paul Thomson.
Après une heure et demi de show renversant, Franz Ferdinand finit de nous achever avec un frénétique This Fire, et quitte le théâtre antique au bord de l’explosion sur un (faux) coup de tête du guitariste Nick « Zidane » McCarthy dans le sternum de son batteur. Quels farceurs ces écossais’
Après trois jours de repos bien mérité, retour aux Nuits de Fourvière sous une chaleur accablante. Cette fois-ci, c’est au tour d’Adam Green et des Strokes de faire trembler les vieilles pierres du théâtre romain.
La fosse est déjà remplie de Converse et de Vans à carreaux roses et noirs, quand un Adam Green tout sourire entre en scène avec ses musiciens. Avec sa grosse voix de crooner et ses longs cheveux bouclés d’enfant, Green ressemble d’abord à une bonne blague. Pourtant, dès les premières chansons, le folk jazzy du jeune new-yorkais semble conquérir le public.
Micro en main, Adam tient tout de même à jouer les guignols de service en nous racontant ce qu’il lui est arrivé la veille. « Quelques heures avant le concert, j étais encore à sept heures de route d’ici » explique-t-il. « Cette nuit, notre tour bus s’est arrêté sur une aire d’autoroute en Belgique. Je suis descendu pour prendre l’air, et quand je suis revenu, le bus était parti sans moi. Je suis resté toute la nuit seul à la station service, en pyjama, jusqu’à ce que deux Belges me proposent de m amener ici. Mes musiciens ont cru que j étais mort ». Plus de doute possible, si Pierre Richard était américain, il s’appellerait Adam Green.
Jessica -chanson hommage à la gentille cruche Jessica Simpson- est si drôle qu’Adam Green lui-même prend un fou rire en l’interprétant. Nat King Cole, quant à elle, surprend par sa puissance. Capable du meilleur comme du meilleur, Green réussit haut la main à mêler voix de crâneur, histoires loufoques et ambiance classieuse de Broadway. Du beau travail en somme. Une demie heure de concert, quelques sauts de lapin, et un poirier parfaitement exécuté plus tard, Adam Green s’éclipse, laissant place à ses copains les Strokes.
C’est devant un parterre d’ados hystériques que les cinq jeunes messies du rock s’installent. Edith Piaf voyait la vie en rose, The Strokes, eux, la voit en technicolor. Un jeu de lumières, digne de Jean-Michel Jarre, enveloppe les new-yorkais de rouge, de bleu, de vert et de jaune dès leurs premiers pas sur scène.
Contrairement aux Franz Ferdinand, les Strokes ne nous ont pas réservé de surprise. Concert classique, setlist habituelle, pas de dérapages, ni de saut périlleux. Les déjà mythiques Is This It, Last Nite et New York City Cops n’ont rien à envier aux tubes des quatre écossais bien sûr, mais ne suffisent pas à faire lever les derniers rangs des gradins.
Moulé dans son étroite veste en cuir, Julian Casablancas -qui ne cesse de parler français- mène le navire d’une main de maître, laissant parfois sa voix puissante et fragile s’égarer. C’est un fait, Casablancas chante souvent faux et à contretemps, mais on lui pardonne. On ne peut sans doute pas être à la fois leader d’un des groupes les plus influents du moment et avoir le sens du rythme. Le son laisse aussi de temps à autre à désirer. On est déçu de ne pas mieux entendre les riffs de guitare assassins du beau Nick Valensi.
Malgré tout, les Strokes sont en forme. Le timide Casablancas, que l’on a vu au Zénith de Paris quelques semaines plus tôt, s’est transformé en roi Julian, n’hésitant pas à remettre des vigiles un peu trop violents à leur place, à descendre au milieu de la foule, et à s’étaler de tout son long en remontant -avec une classe folle bien entendu.
L’espace d’un instant, Ask Me Anything, sublime cri de détresse de Casablancas, interprété par Valensi seul au piano, fait planer un doux silence sur le théâtre romain. Les fracassants Juicebox et Take It Or Leave It le brise sauvagement et brutalement, sans prévenir.
Les lumières s’éteignent, les cinq héros quittent la scène, une chanson de Bob Marley résonne au loin, une gamine de treize ans harcèle un technicien pour avoir « le verre d’eau dans lequel Julian a bu », nous étions au concert des Strokes.
Remerciements à Nicolas Pons, Séveryne Mollard et Noélie Plasse.
Crédits Photo
– Adam Green/Strokes : LoLL Willems (www.lollwillems.com// www.agence-euterpe.com)
– Franz Ferdinand/dEUS : Romain Massola (rmassola@free.fr)
{"type":"Banniere-Basse"}