Ce n’est pas la première fois que la musique de Noir Désir part loin en voyage. Mais c’est la première fois qu’elle s’en va sans billet de retour en poche. Car sur Des visages des figures, les bagages d’habitudes et de rituels rassurants sont consignés dans une petite malette ? Son style ou Lost ?, […]
Ce n’est pas la première fois que la musique de Noir Désir part loin en voyage. Mais c’est la première fois qu’elle s’en va sans billet de retour en poche. Car sur Des visages des figures, les bagages d’habitudes et de rituels rassurants sont consignés dans une petite malette ? Son style ou Lost ?, très rarement convoqués pour tenir la boussole d’un album en vol libre. Groupe autrefois si tellurique, voire terrien, Noir Désir joue ici abstrait, impressionniste : impensable. Au lieu de faire parler la seule poudre, la musique de Noir Désir laisse aujourd’hui largement s’exprimer la poudre d’escampette, capable de se nicher dans les silences, dans des faux calmes autrement plus inquiétants que beaucoup de tempêtes pyrotechniques. C’est la grande surprise de Des visages des figures : à quel point Noir Désir a désacralisé son écriture, régulièrement infidèle au rock et à ses petites orthodoxies de vieux garçon. Disque intrépide ? suicidaire, écrirait-on, si on s’intéressait au marketing ?, Des visages des figures se joue pourtant à des années-lumières de ces disques conceptuels sur lesquels les rock-stars tentent avec vanité de tromper leur gloriolle pour une futile réconciliation avec la critique et l’art avec une majuscule en marbre. Car Noir Désir n’est plus à l’âge des caprices, des convoitises de crédibilité : même les vingt-trois minutes du terrifiant L’Europe ne virent jamais à l’exercice de style. Une vraie flamme propulse ces chansons flottantes, aux cascades jamais gratuites (Le Grand incendie ou Des Armes, reprise gonflée de Ferré), finalement plus proches d’un Noël Akchoté ou d’un Mendelson que de, disons, Lofofora. Une flamme soufflée par un avis de tempête. « Le Vent nous portera », chante magnifiquement Cantat sur un canevas inouï de guitares et de bruits troublés : un vent ascendant et mauvais comme la gale, un vent qui fait le ménage, qui bouscule la poussière et les habitudes. Ce vent mène au large. On n’en mène pas large.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
{"type":"Banniere-Basse"}