Créé en septembre 2006 mais réellement activé en 2007, Born Bad Records défend le rock made in France en cultivant une farouche indépendance. Retour sur cette aventure électrique avec le boss du label, Jean-Baptiste Guillot, alias JB Wizzz.
Le label est intimement lié au magasin de disques Born Bad, aujourd’hui situé en plein cœur de Bastille.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Au moment où j’ai lancé le label, je cherchais une solution pour atténuer les dommages causés par la fameuse crise du disque. En creusant un peu la question, je me suis rendu compte que le modèle disquaire + label avait l’air de mieux résister. J’avais notamment à l’esprit les exemples de New Rose ou de Kompakt. Vu que j’étais par ailleurs ami avec les gens du magasin Born Bad, je leur ai proposé très naturellement de travailler ensemble. Outre le fait de pouvoir utiliser leur nom, cela me permettait de bénéficier d’une vitrine physique dédiée aux sorties du label. Pouvoir disposer d’une telle vitrine me paraît être un avantage primordial. Ça fait clairement la différence.
Tu fais référence à la crise du disque du début des années 2000… Qu’est-ce qui t’a décidé à te lancer dans un pareil contexte ?
Avant de monter le label, j’ai travaillé pendant une dizaine d’années dans une major. Par ailleurs, depuis l’adolescence, j’ai toujours évolué dans les circuits alternatifs et côtoyé les différentes tribus urbaines (mods, punks, skins, psycho…) indissociables du folklore rock. A l’issue de mon expérience en major, j’éprouvais une certaine amertume : j’avais longtemps fantasmé le métier de directeur artistique – poste que j’occupais – mais j’avais découvert une réalité qui m’avait beaucoup déçu… Quand j’ai été licencié, je me suis retrouvé avec de l’amertume et des frustrations, en me demandant ce que j’allais bien pouvoir faire… Même si j’étais un peu paumé, je ne voulais surtout pas terminer mon parcours dans la musique sur un constat aussi négatif. S’est alors imposé le désir d’aller au bout de ma vision de ce que doit être un label. Ayant obtenu des indemnités de licenciement, je disposais d’un petit capital. C’est ce qui m’a permis de créer Born Bad Records – avec un budget de 15 000 €. Ça s’est fait de manière assez irréfléchie. Si j’avais un peu plus pesé le pour et le contre, vu le contexte de l’époque (téléchargement à tout va) et le discours ambiant, je ne l’aurais sans doute pas fait…
La réalité du travail dans une major t’avait beaucoup déçu. Qu’en est-il au sein d’un label indépendant ?
D’abord, au niveau du sens, je comprends ce que je suis en train de faire : ça change pas mal de choses… Ensuite, au-delà du label, le fait d’avoir sa propre entreprise permet de se réaliser. Le label sort un album par mois, ce qui est très lourd en termes de rythme et d’organisation mais aussi très stimulant. Je suis constamment au maximum de moi-même, en cherchant toujours à repousser mes limites. C’est un vrai privilège de pouvoir aller au bout de soi-même tout en donnant un vrai sens à sa vie. Il y a une différence de taille avec mon expérience en major, où j’étais dans une sorte de dépression molle, sans trop saisir le sens de ce que je faisais – l’aspect financier l’emportant souvent sur l’artistique…
La priorité pour une major, c’est de sortir de la musique qui marche. La priorité pour Born Bad, c’est de sortir des bons disques, dans les meilleures conditions possibles. Voilà pourquoi je peux me permettre de signer des artistes aussi singuliers.
Depuis le début, le label s’est nettement positionné du côté d’une certaine scène rock française, en privilégiant des groupes/musiciens bruyants et/ou extravagants (tels que Cheveu, Frustration, JC Satan, Forever Pavot, La Femme, Magnetix, Julien Gasc…), le tout dans un esprit très do-it-yourself.
Il est essentiel à mes yeux d’aider à promouvoir et développer la scène locale, d’avoir le sentiment d’y participer pleinement. Je trouve que la scène française actuelle est particulièrement riche : quel que soit le style, il y a plein de très bons groupes, qui ont parfaitement digéré leurs influences et jouent une musique stimulante, même si elle est parfois bancale. J’ai une nette prédilection pour les gens qui bricolent leur musique, avec les moyens du bord. De manière plus générale, je suis très attaché à la notion de contre-culture, que je défends aussi par le biais des rééditions. En outre, ces rééditions me permettent d’inscrire les groupes d’aujourd’hui dans un cadre plus large. Avec le label, j’ai vraiment à cœur de documenter une scène et de raconter une histoire.
Comment s’opère le choix des groupes que tu signes ? Tu reçois beaucoup de démos, j’imagine ?
J’en reçois une centaine par semaine. C’est impossible de tout écouter, ce serait un boulot à plein temps. Je ne cesse de sortir, d’aller dans des petites salles de concerts, de chercher à découvrir de nouveaux groupes.
Que penses-tu du retour en grâce – et en force – du vinyle ?
Le vinyle a toujours été au centre de ma vie. J’ai une collection de près de 10 000 disques. Dès le début du label, j’ai tenu à faire du vinyle. Après, tout le vernis romanesque dont on l’enrobe aujourd’hui m’agace et me fatigue un peu… Le retour du vinyle, ça se traduit surtout par les éternelles mêmes rééditions, destinées aux pères de familles qui vont se racheter les classiques qu’ils connaissent déjà par cœur et qui vont les ranger sur une étagère… Tout ça, c’est quand même aussi un pauvre truc de hipsters… Du coup, avec tout le marketing qui va avec, les prix ont explosé. Désormais les CD coûtent presque trois fois moins cher. Même moi, partisan acharné du vinyle, je me suis mis à acheter des CD depuis quelques mois, en réaction à ce fétichisme.
Financièrement , comment se porte la petite entreprise Born Bad ?
Le label est maintenant bien connu et reconnu, j’ai un savoir-faire très alternatif et je bénéficie d’un outil de distribution parmi les plus performants de France. J’arrive à exister et à sortir de la mêlée. Après, si on parle d’enrichissement personnel, la route est encore longue… Mieux vaut monter un site de poker en ligne (rires).
Pour finir, tu n’échapperas pas au cruel dilemme du top 5.
Frustration – Relax
Wizzz – French Psychorama 1966-70 vol.1
Cheveu – Mille
JC Satan – JC Satan
Francis Bebey – African Electronic Music 1975-1982
African Electronic Music 1975-1982 by FRANCIS BEBEY
A l’occasion de cet anniversaire, Born Bad édite une monographie du graphiste Elzo Durt, auteur de nombreuses pochettes pour le label, et la Galerie du jour Agnès b. lui consacre une exposition du 27 avril au 10 juin.
A venir également une tournée généreuse, avec différents représentants du label selon les dates : 20 avril à Bourges, du 27 au 29 avril à Paris, 5-6 et 25 mai à Lyon, 13 et 19 mai à Marseille, 18 au 20 mai à Nantes, 19 juillet à Bordeaux, 15-16 septembre à Bruxelles, 14 octobre à Metz.
{"type":"Banniere-Basse"}