On a interviewé la jeune rappeuse de 19 ans avant son succès programmé lors de la prochaine décennie.
Paris, en août : une équation maudite et fameuse, placée sous le signe de l’ennui. Heureusement, le concert de la star montante du hip-hop est venu réchauffer l’ambiance. Au début du mois, invitée par les toujours sûrs Piiaf et Fils de Vénus, 070 Shake a livré un show sauvage, plein de colère, de hargne et d’amour pour le public de La Station. Ni une ni deux : on s’est précipité pour rencontrer la jeune femme avant son live. Dans des loges bordéliques et sous l’œil protecteur de sa manageuse, YesJulz, Shake apparaît derrière un nuage de fumée. Elle se fout gentiment de notre accent français, se tasse dans un coin du canapé, puis évoque ses souvenirs, sa vision de l’art et ses liens très étroits avec Kanye West.
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Le nom de ton crew, 070, est le code postal de votre ville d’origine. Ca ressemblait à quoi de vivre dans le coin ?
070 Shake – Le New Jersey, c’est un endroit que tu ne peux comprendre que si tu y vis… Je veux dire, tu peux emmener des amis là bas, leur montrer des endroits cools, etc. Je pourrais te te le décrire, mais personne ne comprendrait réellement. On est tous ensemble, un peu face au monde. Les gens qui vivent là-bas sont forcés de rester coude à coude. Nous, entre potes, on traînait, on se marrait, on a fait quelques trucs pas vraiment légaux (rires). Et puis là-bas, il se passe des choses auxquelles tu ne devrais pas te confronter en étant jeune. Tu es souvent sur le qui-vive ; en marchant dans la rue, j’ai pris l’habitude de regarder autour de moi, tout le temps, de tourner la tête à droite, à gauche, encore et encore (elle joint nerveusement le geste à la parole).
Et forcément, ça a dû influencer ta musique ?
Oui, même si je ne pense pas vraiment qu’un endroit puisse influencer quelqu’un… Je crois plutôt que ce sont les gens qui ont un impact sur toi ; mais comme ils viennent d’un lieu, agissent en fonction de ce lieu, je suppose qu’il y a une influence. Du coup oui, dans ma façon de rapper et de chanter, le New Jersey se ressent, comme tout ce que j’ai pu y voir et y vivre. On m’a souvent dit qu’il y avait un côté sombre dans ma musique, allié à une vibe qui te donnait envie de danser et de te marrer. Ca représente bien ma vie là-bas.
J’ai vu que tu écrivais de la poésie avant de rapper. Comment ça t’est venu ?
C’était à un moment où j’étais paumée, voire un peu détraquée. Et je ne sais pas… Je crois que c’était un moyen d’exorciser tout ça. Il fallait que je parle de ce que je ressentais et de ce que je voyais. J’écrivais pendant mes cours. Et à un moment, j’ai pris mon carnet, j’ai lancé un beat et je me suis emparée d’un micro. Tout simplement.
Aujourd’hui, tu as ce même rapport instinctif à l’écriture ?
Oui, sauf que maintenant je suis plus à l’aise. Disons que j’ai pris l’habitude et que je sais mieux écrire. C’est cool, mais j’essaie tout le temps de retrouver ces moments où ça venait comme ça, sans prévenir. Je recherche constamment l’instinct.
070 shake en concert ???????????????? c’était si bien ???????????????? pic.twitter.com/XWnlULbwbG
— ????????????OH MU???????????? (@ohmudefeu) 10 août 2017
Dans Be Myself, tu parles de Trump. Je sais que c’est le nouveau point Godwin d’aujourd’hui, mais quel impact son élection a-t-elle eu sur toi ?
Comme pour beaucoup d’autres artistes, son élection m’a donné de la matière. J’ai déjà plein de trucs à dire, mais je trouve qu’il donne un nouveau rôle à la musique : celui d’aider les gens à ouvrir les yeux. Tu vois, je suis sur scène, devant des kids, et je me dois de leur dire ce qu’il se passe. Il le faut, sinon qui le fera ?
Donc, tu crois que les artistes doivent s’engager ?
Chaque artiste est différent ! Mais me concernant, oui. Il y a deux options : soit tu essaies d’être connu, sans but, soit tu essaies de changer le monde. Après, tu peux choisir les deux options, mais je trouve ça important de faire quelque chose de ta renommée, d’en tirer quelque chose qui a du sens.
YesJulz – Désolée de m’incruster mais oui ; par exemple, la dernière fois il y a une fille qui sortait de scène. Elle courait partout en gueulant »oui, je l’ai fait, je l’ai fait ! ». D’accord, tu l’as fait, mais à quoi ça a servi ? Qu’est ce que tu as apporté ?
Shake (se levant d’un bond du canapé) – C’est exactement ça ! Il ne suffit pas d’être reconnu, d’accomplir des choses. Il faut y donner un sens. Tu vois, je suis sur scène, je parle à la foule. Je ne suis pas la seule dans le coup. Il y a aussi des gens qui m’écoutent alors je dois aider cette foule, sans laquelle je ne suis rien. Et si je l’aide, j’aurais de plus en plus de gens devant moi.
Il y a des rumeurs qui rattachent ton crew au label de Kanye West, G.O.O.D. Tu peux m’en dire un peu plus ?
Oui, on baise ensemble. Mais musicalement, je veux dire (rires). Et c’est génial, parce que Kanye… C’est Kanye. C’est vraiment mon artiste préféré, je le respecte plus que n’importe qui.
La connexion s’est faite comment ?
En fait , ça c’est juste fait comme ça…
YesJulz – Ouais, l’univers vous a réunis, il y a eu de multiples connexions. Il y a un vrai respect mutuel. Je ne les ai pas harcelé de mails ni rien, et eux non plus. ça s’est fait doucement, les deux parties avaient envie l’une de l’autre.
Ton futur projet est très attendu, tu peux m’en parler un peu ?
Il s’appellera The Yellow Girl. Ce sera un mix de choses très différentes, les chansons ne se ressembleront pas du tout, mais auront un point commun : tout le projet est assez brut, très pur.
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