La cinquantaine, fibre et rage intactes : Dave Gahan nous explique comment Depeche Mode peut encore, en 2013 et après avoir tout connu, continuer à exister.
Tu as désormais 50 ans : comment ressens-tu le fait de prendre de l’âge?
Tout va bien. Je suis heureux de ce que j’ai accompli, heureux d’être encore là, heureux d’avoir une belle femme, de beaux enfants, heureux que tout s’accorde comme il faut.
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Te vois-tu encore faire de la musique dans dix ans ?
Je n’imagine rien de particulier, je laisse les choses se faire. Je ne me suis jamais vraiment lassé de ce que je fais. La musique change et évolue en fonction de nos vies, de ce que l’on traverse, ce que l’on ressent. On a eu la chance, avec Depeche Mode, de travailler auprès de beaucoup de monde, des musiciens et des producteurs qui ont renouvelé notre désir et notre excitation, qui ont fait changer le cours des choses. Dans mon cas, faire de la musique en dehors de Depeche Mode, comme mes albums solo ou celui avec Soulsavers l’année dernière, m’a aussi enrichi. Pour continuer à aimer faire de la musique, il faut conserver un élément de surprise. Enregistrer un nouvel album de Depeche Mode est toujours une forme de surprise – ça dépend de qui nous accompagne, Martin, Andy et moi. Cette fois, Christoffer Berg, qui s’est occupé des programmations, a apporté cette nouveauté, cette excitation, en plus de ses qualités humaines et de musicien.
Tu trouves chez les autres le carburant pour ton inspiration ?
D’une certaine manière, oui. L’expérience seule ne compte pas. On accumule aussi beaucoup de savoir en côtoyant et en regardant faire d’autres personnes. Les disques que j’écoute m’inspirent aussi énormément. Le dernier de Mark Lanegan, par exemple, ou celui de Spiritualized, qui me parle directement, que je comprends au plus profond de moi-même. Ou le fantastique nouvel album de Nick Cave : il invente toujours des manières inédites de faire jouer sa voix avec ses textes. C’est quelque chose que j’essaie de faire à chaque album, aller plus loin, repousser les limites, me lancer des sortes de défis. C’est un des trucs que j’ai trouvés pour, justement, ne jamais me lasser : toujours chercher quelque chose de nouveau. Martin fait exactement la même chose avec sa guitare.
Après tout ce temps, comment Depeche Mode peut-il encore évoluer ?
Après avoir enregistré tant de disques, créer un nouvel album est une réussite, une évolution en soi. Enregistrer Delta Machine fut un processus particulièrement heureux pour moi : j’apportais pas mal de chansons, j’ai plus écrit que d’habitude, et les travailler avec Martin a été un plaisir, il m’a beaucoup soutenu, il a bossé sur ces titres comme si c’étaient les siens, pour en tirer le meilleur.
Depeche Mode reste l’un des rares groupes à avoir su conjuguer la longévité et un certain niveau de qualité. Comment l’expliques-tu ?
Je pense que ça vient du fait que nous avons toujours donné la primauté absolue au songwriting, à la qualité des chansons, ce n’est pas plus compliqué que ça. Notre son a pu varier, notre style aussi, mais jamais nous ne nous sommes contentés du décorum ; nous avons toujours voulu que nos morceaux soient bons. Ils ne l’ont évidemment pas tous été – je pense à certaines chansons que les labels ont voulu nous imposer car ils avaient besoin d’un tube. Les choses sont différentes aujourd’hui, nous sommes plus libres. L’écriture et le soin que nous mettons à faire nos morceaux sont primordiaux, l’ont toujours été et le seront toujours.
Quand vous avez commencé à travailler sur Delta Machine, aviez-vous une direction particulière en tête ?
Tout se résume aux chansons, à la tournure qu’elles prennent naturellement. J’écris ce que je ressens. Martin fait de même. Nous avons apporté pas mal de demos en studio ; on avait à peu près vingt-cinq ébauches de chansons, on a laissé les choses se faire d’elles-mêmes. Ça a sans doute été plus facile que pour d’autres albums, les choses semblaient prêtes dès le début.
Le blues, très présent dans la musique de Depeche Mode, prend sur Delta Machine une place encore plus grande…
Le blues a toujours été une énorme influence pour moi comme pour Martin. Nous avons toujours essayé d’offrir, dans l’électronique, notre propre interprétation du blues, comme Led Zeppelin ou les Rolling Stones l’ont fait à leur manière. Le blues et le gospel sont partout, tous les groupes de rock viennent de là ; nous essayons simplement de lui trouver une nouvelle voie. Ce titre, Delta Machine, exprime précisément cela : essayer de faire du blues avec des machines, de faire un pont entre l’électronique et les origines. Mais nous travaillons toujours à faire des albums “modernes”. Ça compte énormément pour Martin. C’est un excellent guitariste, il peut jouer de manière incroyable un classique blues mais il ne veut pas, je pense, que ça soit la tonalité unique de nos disques. La modernité vient peut-être plus de Martin que de moi.
Cet album est assez sombre…
C’est ce qu’est le blues. C’est ce que doit être l’art : une exploration de sentiments parfois extrêmes, de choses qui peuvent finir par te détruire.
Concerts le 4 mai à Nice, le 15 juin à Paris (Stade de France), le 16 juillet à Nîmes
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