Accompagné par les ombres depuis sa prime jeunesse, Denzel Curry en tire un hip-hop sale et poisseux.
Nombreux sont ceux qui choisissent de se taire quand la vie leur inflige les plus cuisantes brûlures. Denzel Curry, lui, a bien compris que le hip-hop, et son esthétique variée, demeurait sans doute le meilleur exutoire lorsque rien ne va.
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La musique comme remède
Depuis ses 12 ans, le MC de Carol City, quartier pauvre de la banlieue nord de Miami, a donc choisi de prendre le mic pour expulser ses traumatismes les plus profonds : la mort de Trayvon Martin (un jeune Américain noir tué par balles à 17 ans), celle de son frère aîné en 2014, son éviction d’une école d’art, la séparation de ses parents, la rupture avec sa petite amie…
Lorsqu’on le rencontre mi-décembre, au lendemain d‘un concert qu’il décrit comme “excellent” à la Bellevilloise, il ne lui faut d’ailleurs pas beaucoup de temps pour que les souvenirs amers lui remontent à la gorge : “Carol City, c’est vraiment un quartier baisé, un de ces nombreux endroits en Amérique où, si un Noir meurt, personne n’est là pour faire valoir ses droits”, dit-il, sans même attendre que l’on ait fini notre phrase, trop jeune pour s’embarrasser de politesses.
“Après la mort de mon frère, je n’avais plus la force de rien. J’étais en dépression, mais je savais que poursuivre mes projets était le meilleur moyen de me sortir de toute cette merde. Je me suis donc ressaisi et j’ai publié Ultimate en 2015. Ce single a tout changé.”
A cette époque, Denzel Curry est pourtant un membre actif du crew de SpaceGhostPurrp, Raider Klan, mais il peut désormais voir plus loin. Andre 3000 lui apporte soutien et conseils et, en juillet, le magazine XXL l’affiche dans sa liste “Freshman” aux côtés de Kodak Black, 21 Savage et Anderson.Paak.
“Il a suffi de cette une pour que des tas de gens me reconnaissent dans la rue, me proposent des interviews ou me demandent une photo. Ça ne me dérange pas mais je ne veux pas que ça change ma manière de vivre.”
Imperial, singulière hybridation
Ce n’est bien sûr pas une surprise pour ceux qui suivent le bonhomme depuis sa première mixtape (King Remembered Underground Tape 1991-1995), mais cette sincérité se retrouve illico dans Imperial, deuxième album aussi sombre et à bout de nerfs qu’éloigné de la surenchère et des effets de production. Si le refrain tubesque d’UTL et la présence de quelques poids lourds (Rick Ross, Joey Bada$$) donnent forcément un élan populaire à ces onze brûlots, on est tout aussi scotché par les visions oniriques, les références à Three 6 Mafia et les inclinaisons religieuses proposées par un Denzel Curry perpétuellement partagé entre mélancolie et fantaisie, ironie et tragique, prosaïsme et ésotérisme.
Est-ce cette singulière hybridation qui a séduit les rockeurs de Loma Vista ? Plutôt que de s’en étonner, le MC de 21 ans préfère simplement se réjouir de cette collaboration entamée avec le label californien :
“La structure est gérée par Tom et Ryan Whalley, qui ont signé par le passé des mecs tels que 2Pac ou Theophilus London, donc je pense qu’ils savent ce qu’ils font. Et puis si ça peut me permettre de bosser avec les artistes pop du label, alors tant mieux.”
Denzel Curry en featuring avec Sylvan Esso, Ry X ou St. Vincent ? Comme si le Floridien n’avait déjà pas assez de quoi nous enthousiasmer.
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