Gorillaz épisode 2 est d’emblée aussi emballant que son prédécesseur, comme en témoigne l’irrésistible premier single Feel Good Inc., dans la lignée rap n’roll du non moins génial Hey Ya! d’OutKast, mais avec De La Soul pour invités, et sans doute Prince comme modèle commun. Passé cette bourrasque, l’album se révèle un tantinet plus profond, […]
Gorillaz épisode 2 est d’emblée aussi emballant que son prédécesseur, comme en témoigne l’irrésistible premier single Feel Good Inc., dans la lignée rap n’roll du non moins génial Hey Ya! d’OutKast, mais avec De La Soul pour invités, et sans doute Prince comme modèle commun. Passé cette bourrasque, l’album se révèle un tantinet plus profond, plus creusé dans les thèmes et dans les compositions que le premier, qui reposait sur un tiercé gagnant de singles atomiques et déroulait par ailleurs un amusant remplissage. Dans la coulisse, Dan The Automator a laissé son fauteuil de producteur au très en vue Danger Mouse, l’homme du Grey Album, bootleg qui mixait l’an passé le Black Album de Jay-Z avec le White Album des Beatles.
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La formule canonique de Gorillaz repose d’ailleurs sur le même frottement entre le songwriting débridé des Fab Four de 68, les audaces sonores du Super Ape des Upsetters de 76 et le hip-hop vivifiant des années Sugar Hill Records. Entre autres. Car sur le futur tube mondial Dirty Harry (après Clint Eastwood, vous suivez ?), on croit entendre derrière un gimmick façon Grandmaster Flash l’écho de l’Afrique reformatée à New York par Brian Eno et les Talking Heads.
Comme on le dirait d’un nouveau Harry Potter, ce Gorillaz est plus noir, plus gothique, mais il n’est pas moins ludique, pétaradant d’effets électroniques et de guitares terriblement bluriennes, à tel point qu’il apparaît moins comme un sequel de Gorillaz que comme un prolongement naturel de Think Tank. Les mélodies que chante Albarn ? qui intervient de son phrasé somnambule sur presque tous les morceaux ? ressemblent de plus en plus à celles qu’il tire de son mélodica, inspiré du génie d’Augustus Pablo, par son flegmatique ami Terry Hall ou par le blues sablonneux des Touaregs.
Des invités plus remuants se chargent de jouer les MC : Roots Manuva et Shaun Ryder (Happy Mondays) sur le polyphonique All Alone, Neneh Cherry, Martina Topley-Bird et même l’ultracool Dennis Hopper dans le rôle sur mesure du narrateur de Fire Coming out of a Monkey s Head. Ce casting de première classe n’a rien d’un empilage de people mais correspond bien à des choix chirurgicaux, la meilleure preuve étant qu’aux premières écoutes on ne reconnaît personne ? et aux suivantes pas grand monde. Même le décor du dessin animé de Hewlett paraît désormais en retrait ? quasiment superflu ? par rapport à la musique.
En revanche, Albarn semble avoir investi chaque centimètre carré de ce disque pour se livrer aux expériences fusionnelles les plus avancées entre ses vies parallèles de pop-star et de défricheur, de songwriter insulaire et de capteur nomade, de gardien traditionaliste et de futuriste acharné. Pour lui, Demon Days résonne comme un armistice : de simples folk-songs relevées aux dorures baroques comme El Mañana ou Don’t Get Lost in Heaven avoisinent ici de pures merveilles d’équilibrisme sonore comme Last Living Souls et surtout Every Planet We Reach Is Dead, lesquelles côtoient de plus légères déflagrations comme l’énervé White Light ou l’euphorisante pilule fluo pour dance-floor qu’est Dare. Cet assemblage, qui sonne hétéroclite uniquement sur papier, compose au final un tableau flatteur du talent tentaculaire du démoniaque Albarn.
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