Ne surtout pas écouter l’electro narcotique des Barcelonais de Delorean au volant. Sauf si vous pilotez un engin spatial. Critique et écoute intégrale.
A l’origine, la Delorean est la voiture typique du playboy seventies, livrée avec moquette de poitrine et gourmette tapageuse. Elle fut, ultime honneur, immortalisée en version méga-boostée dans la saga Retour vers le futur. Aux légendes automobiles, les quatre néo-Catalans se sont finalement attachés : le titre de l’album, Subiza, pourrait être un fantasme de tuning, mélange entre une Subaru et une Seat Ibiza (il s’agit en fait d’un village basque), un an après le pétaradant single Ayrton Senna, bolide nineties roulant au colza, dans un choc constant entre la nostalgie romantique et l’optimisme futurible.
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Retour vers le futur, encore et toujours : une étiquette qui va comme un gant de conduite en cuir pur vachette à ces quatre Basques de Barcelone, spécialistes nonchalants d’un rétrofuturisme de Luna Park – avec une discothèque peinarde au pied des pistes de montagnes russes. Car si on danse chez Delorean, ce n’est jamais pied au plancher : plutôt sur un petit nuage, rose et doux, qui dévie doucement la pop-music de son traintrain fantôme.
Entre indie-pop chétive, plaintive, et techno rutilante, huilée, entre mélancolie sépia et euphorie arc-en-ciel, Subiza claudique avec grâce. C’est encore et toujours la même belle histoire de génétique que raconte cet enchantement : offrir un coeur humain à des robots. Un conte d’autrefois que racontent aux frissons et poils dressés, sans jamais les lasser, des groupes comme New Order, Daft Punk, Kraftwerk ou, aujourd’hui, Toro Y Moi ou Memory Tapes. Une histoire pour s’endormir les yeux ouverts, béat et troublé, dans une confusion des sens que seule cette musique irréelle peut orchestrer.
Dans le genre utopiste, ambassadeur d’un autre monde, divorcé du réel, la chanson Simple Graces relève du prodige, de l’envoûtement : elle apprend à Animal Collective comment danser la house les yeux mi-clos, sourire aux lèvres et bras en croix. Franz Ferdinand, The XX ou The Big Pink ne s’y sont pas trompés, qui ont confié leurs chansons aux massages et délices des Espagnols, pour des remixes dans lesquels l’oxygène (et le sable fin) ont été utilisés.
Mais là où tant d’autres groupes electro-pop oniriques, recensés par milliers sur les blogs, se contentent encore et toujours de singer les eighties, de rétrécir leur champ de vision, de renoncer chaque jour un peu plus au possible, Delorean écarte les murs, perce des fenêtres, dynamite le toit, ouvre une issue de secours dans le plafond de verre. Cette musique est infinie : c’est ce que confirment deux des nombreuses chansons qui, ici, organisent à la fois la fête et son after, l’hédonisme et le chill-out : Endless Sunset et Infinite Desert. On les mixera en toute torpeur, pour résumer ce débat hypnotique : un coucher de soleil sans fin sur un désert à perte de vue. Cet été, voyagez léger : cet album suffira.
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