Deen Burbigo a mis du temps à sortir son premier album. « Grand Cru » est sorti ce 17 mars et synthétise une carrière déjà bien remplie au sein de L’Entourage et des Rap Contenders.
Tu sors ce 17 mars ton album Grand Cru, mais tu t’es fait connaître grâce aux Rap Contenders. Quel souvenir en gardes-tu ?
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Deen Burbigo – On est arrivés avec la bonne équipe au bon endroit au bon moment. Ça a été l’étincelle qui a tout enflammé. On faisait déjà des freestyles, on commençait à se faire connaître, mais c’était embryonnaire. Nos plus gros scores sur Youtube, c’était 9 000 vues. Mon premier battle au Rap Contenders, c’est 40 000 en une semaine. C’était de la folie. Du jour au lendemain, tu ne peux plus sortir de chez toi sans que quelqu’un te reconnaisse.
Fianso explique que le freestyle, le battle, c’est un passage presque obligatoire pour un rappeur…
Je ne crois pas qu’il y ait de passage obligatoire. Certains ont fait du buzz en étant en cavale, d’autres en faisant un gros featuring. Les types qui se sont fait connaître grâce aux battles sont pas nombreux. Même Eminem n’a pas été connu grâce à ça. Je crois qu’aucun des gars que je suivais dans les battles n’a réussi à faire connaître sa musique. Le rap, c’est une culture de rue, certains considèrent qu’aller se faire insulter sur une scène, c’est pas un truc de bonhomme. Je ne dois rien à personne, je suis venu en cassant des gueules. Dans un battle, tu pèses tes couilles. Mais quand on a démarré les RC, on n’attendait rien. On se disait que ça serait une vidéo cool parmi tant d’autres, c’était juste pour se faire les dents, pour dire sur le terrain qu’on était une équipe qui pouvait faire mal. Jamais on imaginé pensé que ça pouvait lancer des carrières.
Les RC se sont un peu essoufflés non ?
J’y suis retourné il y a peu, en tant que spectateur. Franchement, il y a encore des mecs hyper chaud, un vrai public. Ça a créé une niche de gens qui suivent tout ça à fond, c’est très pointu.
Tu reviens du Mexique c’est bien ça ?
C’était fou. J’ai tourné le clip de Pas une autre et on s’est retrouvés avec L’Entourage à Cabo San Lucas, un coin touristique. Ce sont les plus beaux paysages qui j’ai vus de ma vie. Les levers de soleil roses et orangés tous les matins, c’est dingue. On a tous des emplois du temps de ministres, on a eu du mal à caler tout le monde en même temps.
Est-ce que ça veut dire qu’il faut s’attendre à un nouvel album de L’Entourage ?
On en parle depuis un moment, on pense tous qu’on peut faire mieux que le premier album en terme de contenu et de retombées. Je suis presque sûr qu’il y en aura un nouveau. On est occupés mais c’est dans les starting-blocks. Cette synergie de collectif nous apporte beaucoup. Ce qui fait notre force, c’est la fraternité. Parfois, les journalistes me demandent si j’ai gardé de bons rapports avec Nekfeu. Ça n’a pas changé. Le fait d’être ensemble nous permet de garder les pieds sur terre. C’est de l’or.
Avant de percer, tu as fait un paquet de tafs différents non ?
Quand j’habitais encore à Toulon, j’avais des potes qui avaient des plans pour des tafs au black. Là-bas, il y a une sorte de boulangerie ouverte toute la nuit, Le Chamo. Devant, au petit matin vers 4h, tous les sans-pap’, les mecs qui cherchent du taf sont là. Ils attendent de se faire ramasser pour faire manœuvre sur les chantiers. Donc j’y allais avec des potes. Après j’ai été vendeur de vélo dans un Décathlon, j’ai fait la plonge, j’ai été commis dans un resto spécialisé dans le poisson… Je crois que l’odeur d’entrailles sur tes mains, sur ton oreiller quand tu te couches alors que tu t’es lavé les mains sept fois, c’est le pire. J’aidais aussi ma mère quand elle travaillait dans des serres, j’ai été plagiste… En arrivant sur Paris, j’ai été animateur dans un centre de loisir. D’ailleurs, je l’étais toujours pendant que je faisais les RC.
Qu’est-ce que ça t’a apporté de faire tout ça ?
De l’argent, évidemment. Mais ça m’a surtout appris à savoir ce que je ne voulais pas faire. Travailler très jeune, ça te permet de comprendre que mettre huit balles dans un McDo, c’est pas rien, c’est une heure de taf. J’ai aussi appris que je pouvais pas avoir de patron. Je me disais : « Ce trou du cul qui me parle comme à son chien, il a fait trois années d’études, il est pas plus intelligent que moi. Pourquoi je resterais dans la position de celui qui prend dans la gueule ? » Le moment où je me suis dit ça, c’est quand j’étais bagagiste à la gare de Toulon. J’aidais les personnes à mobilité réduite. Avoir quelqu’un qui peut te dire que t’es une merde à tout moment, c’est pas évident. Je me sens plus à l’aise en me creusant la tête, en prenant des risques, en montant un entreprise… Mais j’ai un grand respect pour les darrons qui font ça. Quand t’arrives et que le mec d’à côté, qui a trois enfants, un crédit, se prend les mêmes remarques de merde que toi qui rentre chez ta mère après le boulot, ça te met un coup.
Ton rap est assez fataliste, non ?
Je ne sais pas. D’un côté, je regarde le grand tableau en me demandant pourquoi le monde est autant en bordel. Mais en même temps, je vois aussi les gens qui font de bonnes choses, qui s’engagent… Comme tous ceux qui ont roulé leur bosse, j’ai une tendance à me dire que c’est mort. Mais je ne baisse pas les bras facilement. Je rappe en disant : « C’est la merde, mais l’homme va s’en sortir. » Fataliste, ça veut dire que tu baisses les bras. Désabusé, ça veut dire que tu ne te fais plus d’illusions, mais ça ne veut pas dire que tu vas te laisser faire. Je ne me fais pas d’illusions, et je n’ai pas prévu de m’endormir sur mes pseudo-lauriers.
Le titre Me Réveiller a bien marché avant la sortie de l’album. Tu veux te réveiller de quoi ?
Il nous est arrivé tellement de choses avec L’Entourage… On a fait un Olympia, joué devant 30 000 personnes en festivals, les enfants d’amis de ma mère lui demandent des photos dédicacées, il ne la croient pas quand elle leur dit que je suis son fils, Nekfeu a fait un Bercy complet… C’est irréel. Vu de l’extérieur, déjà, c’est dingue, mais quand tu le vis… A la fois, plus rien ne m’étonne, mais on a toujours le recul pour voir à quel point c’est dingue. Me réveiller, c’est ça. Mais je suis bien dans mon rêve. C’est comme dans Matrix, Cypher, qui trahit tout le monde pour qu’on le ramène dans la matrice. Il sait que c’est faux, mais il préfère ça à faire la guerre dans la réalité. Moi, je n’ai pas encore fait mon choix.
Propos recueillis par Brice Miclet
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