Si l’année a été marquée par nombre de retours inespérés (Everything but the Girl, Blur, The Streets, etc.), elle a également été riche en révélations et en confirmations d’artistes sur lesquel·les nous avions parié. Largement de quoi s’offrir un coup d’œil dans le rétro(futur).
75 Empty Country Empty Country II
Ancien leader de la formation indie rock Cymbals Eat Guitars, Joseph D’Agostino roule aujourd’hui sous le nom d’Empty Country, un projet dans lequel il se sert de l’indie rock (ici, les Replacements croisent Wilco et le R.E.M. des débuts) comme d’un support dynamique pour faire exister ses ambitions littéraires. Sur ce deuxième album, il documente les affres d’une Amérique en proie à ses turpitudes.
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74 The Streets The Darker the Shadow, the Brighter the Light
Monument du rap anglais, Mike Skinner signe un nouveau volet de sa discographie pétri de surprises (trap, dance, grime, electro…), après une longue absence. Sans tomber dans le moralisateur, il dépeint les embûches de l’ordinaire, rappelant que l’argent ne fait pas le bonheur ou que l’errance dans les rues d’une ville amène son lot d’exceptionnel. Un mélange des genres réussi.
73 Acid Arab Trois
Le quintet français, fer de lance de l’electro orientale, propose une grande plongée au cœur de la transe électronique. Physique comme jamais, plus minimal et rêche que les précédents, ce troisième album distille une certaine gravité, comme le reflet de notre monde trouble. Une confession intime et émouvante, désormais calée sur une rythmique acid, linéaire et sans concession.
72 The Murder Capital Gigi’s Recovery
Hantée, crépusculaire, bercée d’une noirceur postpunk lui permettant de rivaliser avec les plus grands noms du genre, la musique du quintet irlandais prend aux tripes, remue, sidère. Mais serait-elle tout à fait la même sans la voix de James McGovern ? Non content de coucher sur le papier une poésie hallucinée, le charismatique leader incarne ses textes avec une puissance émotionnelle rare. Un deuxième album d’une flamboyance phénoménale.
71 Pearl & the Oysters Coast 2 Coast
Le duo amoureux franco-américain continue de nous bercer d’illusions avec un quatrième album qui allie la beauté des mélodies à des incursions pop irrésistibles. Derrière le tout-synthétique (et malgré l’incursion d’une harpe onirique, de quelques guitares et d’un saxo eighties), ce nouveau disque nous parvient telle une carte postale pixelisée venue d’un temps où le rêve se vit par procuration.
70 Benjamin Epps La Grande Désillusion
Après une série de maxis d’obédience new-yorkaise, le rappeur gabonais publie son premier album, à rebours des codes du mainstream. Ses productions empruntent largement aux ornementations de la soul et il s’autorise des refrains chantés qu’on ne lui connaissait pas, invitant son idole Styles P, mais aussi Josman pour l’un des sommets du disque (Très tard le soir) ou encore MC Solaar (Libre) pour enrichir les thématiques de son disque.
69 Slowthai Ugly
Trop souvent réduit à son personnage de freak, le Britannique fait entrer le rap et le punk en collision avec un message clair : apprendre à s’aimer. Dan Carey, Ethan P. Flynn, Taylor Skye (Jockstrap) ou encore Fontaines D.C. apportent de la cohérence et de la musicalité à ce troisième album fascinant d’indécision, qui peut s’assoupir en une ballade déchirante (Tourniquet) comme devenir une charge explosive à la Idles.
68 Mitski The Land Is Inhospitable and So Are We
Entre folk, Americana et pop baroque, l’Américano-Japonaise discrète se surpasse sur le septième album de sa jeune carrière ultra-prolifique. Dans la lignée des plus fines lames de la scène indé (Weyes Blood, Angel Olsen, Sharon Van Etten…), elle exprime à merveille le spleen – plus précisément, les errances d’une trentenaire d’origine asiatique sans attaches, écartelée entre deux cultures, dont aucune ne la définit entièrement.
67 Glauque Les gens passent, le temps reste
Nerveux et puissants, les Belges remodèlent le rap à leur image. Ils prennent aux tripes avec leur rap lettré et leur electro expérimentale parfois minimale, parfois maximale, qui déploie ses tentacules jusqu’à vous étouffer complètement. Sur cet album, le gang de Namur crée un déluge de beats et d’ambiances qui empruntent à Coil, Throbbing Gristle, Aphex Twin, ou Boards of Canada.
66 La Femme Paris-Hawaï
Sur le second volume de sa passionnante collection Odyssée (inaugurée l’an dernier avec Teatro Lúcido), le gang biarrot poursuit son tour du monde, direction Hawaii. Le groupe
en tire un recueil de huit morceaux qui ne se contentent pas de l’évidence (rythmiques indolentes, guitare lapsteel à gogo, surf rock, sons de la nature polynésienne…), mais détournent malicieusement les codes en injectant des touches electro et drone. Dépaysement garanti.
65 Sampha Lahai
Le chanteur et producteur londonien revient nous hanter avec une soul à fleur de peau, complexe et désossée, lyrique et aride, pop et expérimentale, sublimée par sa voix irréelle. Si Process (2017) était l’album d’un fils endeuillé par la mort de ses parents, Lahai, terrassant de beauté, est celui d’un père qui a enfin retrouvé espoir, sans se défaire de cette mélancolie tenace.
64 I:Cube Eye Cube
Activiste discret mais prolifique, le Parisien Nicolas Chaix propose un superbe cinquième album enregistré live, avec un minimum de retouches en postproduction, entre ambient, electronica et techno. Mobilisant des synthés, des séquenceurs, des boîtes à rythmes et des générateurs d’effets, ces huit titres ont été conçus à des moments différents sur plusieurs années, mais forment un ensemble parfaitement cohérent.
63 Feist Multitudes
L’immense chanteuse canadienne revient enfin et brille toujours de mille feux, entre confidences méditatives, envolées orchestrales et déchaînement électrique. Les titres s’enchevêtrent, toujours portés par cette voix exceptionnelle qui chuchote autant qu’elle vocalise, qui implore autant qu’elle virevolte, avec la même grâce étourdissante. Une nouvelle Feist de la musique.
62 Sparklehorse Bird Machine
Treize ans après le suicide de Mark Linkous, les enregistrements choyés par son frère Matt donnent naissance à un véritable cinquième album absolument inespéré. Issues de deux sessions, l’une autoproduite, l’autre sous la houlette de Steve Albini, ces quatorze chansons ont été finalisées dans le respect de l’esthétique du groupe, entre ballades renversantes et griffes presque punk, entre l’affable et le revêche.
61 Harp Albion
Après une décennie de silence, l’architecte texan des chefs-d’œuvre de Midlake fait émerger d’une brume tout anglaise un album splendide. Avec sa mélodie sublime et sa production iridescente, la chanson d’introduction annonce en majesté un classique instantané, renouant avec le frisson de The Trials of Van Occupanther. Le retour du roi ? Oui, mais un monarque fragile, assailli par sa sensibilité et ses doutes.
60 Zaho de Sagazan La Symphonie des éclairs
23 ans seulement, et déjà la Nazairienne impressionne par ses mélodies, son esprit et son sens du beat sur son premier album. Sur une trame synthpop, voire clairement electro, accompagnée d’un ensemble de claviers expressifs, elle raconte l’autre destructeur·rice, qu’il ou elle soit ami·e ou amant·e. La diction est impeccable, appuyée mais nerveuse, ressuscitant Pia Colombo ou Barbara.
59 100 Gecs 10,000 Gecs
Avec ses emprunts au stadium rock, le second album (et premier chez une major) du duo formé par Laura Les et Dylan Brady, idoles hors format pour la nouvelle génération, fait entrer l’hyperpop dans sa phase terminale et cristallise les enjeux et les devenirs du genre. Revitalisation, acte de décès ou fuite en avant ? Sûrement un peu de tout – comme leur disque.
58 Melenas Ahora
Formé en 2016 à Pampelune, le quatuor féminin est de retour avec un nouveau trésor pop plein d’inventivité. Mélange de garage pop et de jangle dopée aux synthétiseurs, de fraîcheur et de mélancolie, ce troisième album met de nouveau en avant les claviers analogiques, les basses puissantes, ainsi qu’une batterie métronomique sur laquelle se posent la voix détachée d’Oihana Herrera ou des chœurs aériens.
57 Rob & Jack Lahana Summercamp
Visant à célébrer l’amitié et l’utopie, la collaboration entre Robin Coudert, alias Rob, et Jack Lahana prend la forme d’un cocktail pop-electro-disco avec une ribambelle d’artistes cosmopolites (dont Gordon Tracks, Daniela Spalla, Sébastien Tellier et Fishbach). Leur album évoque un scintillant feu de camp hédoniste embrasant une nuit d’été : en émane un parfum d’éternité, inéluctablement fugace mais terriblement grisant.
56 Fever Ray Radical Romantics
Ex-moitié de The Knife, le groupe qu’elle formait avec son frère, Karin Dreijer a étoffé son activisme et continue de vouloir dynamiter les structures hétéropatriarcales autour desquelles s’articulent les désirs, comme en témoigne le single What They Call Us, manuel de survie queer en milieu professionnel, tandis que Carbon Dioxide fait l’apologie d’un amour plus serein mais pas moins charmant.
55 The Kills God Games
Fidèles à leur ligne brute et minimale, l’Américaine Alison Mosshart et le Britannique Jamie Hince se livrent au jeu de l’introspection sur leur sixième album, tout en accordant une attention particulière aux textures. La magie est intacte, vingt ans après le premier album du tandem : The Kills est encore là, moins DIY et en haute définition, mais avec la même éthique chevillée au corps.
54 Jean Felzine Chord Memory
Sur un album largement synthétique, le chanteur de Mustang, ici en solo, fait entendre encore une fois sa plume sensible et racée en n’éludant aucun sujet tabou. L’Auvergnat à la banane, l’un des meilleurs auteurs-compositeurs-interprètes de sa génération, ne verse jamais dans l’autoflagellation ni dans l’amertume, croyant même – et à raison – à sa gloire prochaine : “Ma gloire je l’aurai un jour, je sais qu’elle m’attend.”
53 Gorillaz Cracker Island
En dix titres, en compagnie de Beck, Kevin Parker, Stevie Nicks et autres Thundercat, l’autre groupe de Damon Albarn mêle son habituel sens du groove à la simplicité désarmante de ses aventures solo. Une curiosité dont on n’a pas encore défini l’horizon, un plaisir toujours récréatif – mais jamais régressif – sans limites pour malaxer, concaténer et redonner forme à la pop passée et, définitivement, présente.
52 Thomas Bangalter Mythologies
Deux ans après le split retentissant de Daft Punk, l’ex-moitié du célèbre duo casqué revient avec un album instrumental et symphonique, bande-son du ballet de danse éponyme d’Angelin Preljocaj. Débarrassé de l’électronique et des ordinateurs, interrogeant le rapport de l’homme à la technologie, le Français a écrit une œuvre qu’il dit venir des seventies, certes, mais d’un autre siècle.
51 John Cale Mercy
À 80 ans, le Gallois, ancien compagnon de route de Lou Reed, revient avec un album dense et expérimental, constellé de collaborations prestigieuses (Weyes Blood, Animal Collective, Fat White Family, Actress…). Le regard à jamais tourné vers l’avant, toujours insolant de modernité, plus d’un demi-siècle après le coup d’éclat du Velvet Underground.
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