Si l’année a été marquée par nombre de retours inespérés (Everything but the Girl, Blur, The Streets, etc.), elle a également été riche en révélations et en confirmations d’artistes sur lesquel·les nous avions parié. Largement de quoi s’offrir un coup d’œil dans le rétro(futur).
100 Protomartyr Formal Growth in the Desert
Une lucidité mordante, un goût pour l’expérimentation et aucun compromis : depuis 2010, le groupe postpunk américain suit une trajectoire aussi personnelle que fascinante. Enregistré au Texas, ce disque souligne une fois de plus la pertinence et la force des paroles de Protomartyr, et de la vague de sons, tout en réverbérations, silences et explosions, qui l’accompagne harmonieusement.
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99 Beach Fossils Bunny
Depuis Brooklyn, Dustin Payseur et sa clique renouent avec la simplicité des débuts et livrent un quatrième album soigné qui fleure bon l’indie pop. Les guitares carillonnent en chœur, les mélodies sont limpides et la nostalgie – qu’elle renvoie aux nineties ou au début des années 2010 – reste tout aussi intacte. Sur Bunny, le groupe poursuit à nouveau sa quête d’une certaine idée de la perfection pop.
98 Janelle Monáe The Age of Pleasure
Le cinquième album de la chanteuse américaine est un savoureux triangle musical, entre États-Unis, Afrique et Caraïbes. Par ses thèmes puissants et sensuels (notamment sur Lipstick Lover, single torride), il s’agit aussi d’un disque bien plus radical qu’en apparence, qui n’a de cesse de faire des allers-retours entre le passé des styles (afrobeat, reggae…) et leur présent.
97 Petit Fantôme Stave II
Dix ans après sa mémorable mixtape, le Landais Pierre Loustaunau en offre une suite inespérée et toujours aussi inspirée. Entrecoupé de courts interludes qui font le pont d’une plage à l’autre, Stave II se déploie en mouvements successifs qui, s’ils paraissent sauter du coq (Je respecte ça) à l’âne (Le temps passe), concourent finalement à faire une œuvre singulière, sans guère d’équivalent hexagonal.
96 Kassa Overall Animals
Basé à Seattle, le batteur, producteur et MC américain donne une leçon de free jazz et de hip-hop grâce à une inventivité de haut niveau. Sur Animals, il donne l’impression de jouer sans dogme, routine ou combine, en équilibre entre une rigueur rythmique et des structures éclatées, souvent aussi squelettiques qu’excentriques. Une gymnastique de haut niveau pour un grand détournement des règles.
95 Tinariwen Amatssou
Le groupe touareg publie son album le plus américain, où se fondent country et musique malienne. Dans un esprit collectif, optimiste malgré un contexte troublé, Tinariwen se prête à des mélodies joyeuses, puis le mystère reprend ses droits dans des ambiances mystiques. Sous la houlette du producteur Daniel Lanois, des musiciens country apportent à ce disque une âme singulière, presque un renouveau.
94 Isolée Resort Island
Le producteur allemand Rajko Müller, alias Isolée, auteur du fabuleux classique Beau Mot Plage, revisite son électronique instable et amoureuse, son drôle d’univers robotique et dystopique, sans nostalgie mais avec un hédonisme contagieux. Il renoue avec sa science des synthés mal dégrossis, des rythmes bancals et des mélodies hallucinogènes, et signe le grand disque qu’on n’attendait plus.
93 This Is the Kit Careful of Your Keepers
Kate Stables, l’une des plus discrètes et lumineuses représentantes de l’artisanat folk britannique, explore toutes les subtilités de son nuancier sur son nouvel album, qui conserve précieusement la frugalité de ses prédécesseurs et s’en tient aux arrangements essentiels (notamment des entrelacs de banjo et de cuivres), tout en ouvrant à l’accident et à l’intuition sa belle cohésion.
92 Swans The Beggar
Entre postpunk, acid folk et ambient, le groupe de Michael Gira navigue en turbulentes eaux profondes sur ce nouvel album-fleuve conçu à Berlin et sorti au tout début de l’été, tel un soleil noir. The Beggar Lover (There), extraordinaire morceau hors normes de près de 45 minutes constitue l’une des expériences les plus intenses de toute la discographie de Swans.
91 Albert Hammond Jr. Melodies on Hiatus
Nouvelle escapade pour le guitariste des Strokes. Rassemblant 19 morceaux et plus d’une heure de chansons, ce cinquième album en solitaire permet à son auteur d’assouvir ses pulsions créatives. Le New-Yorkais couche sur bande ses fantasmes musicaux les plus variés et enchaîne les ambiances (pop synthétique, surf music, rock FM, new wave…). Une réussite ludique et généreuse.
90 Ascendant Vierge Une nouvelle chance
Constitué de Mathilde Fernandez et de Paul Seul, le duo de gabber pop déploie sa recette nostalgique en un premier album esthétique et soigné, qui élargit ses horizons en exploitant avec justesse différents registres des musiques hard (de l’EDM à la trance, jusqu’à la surprise dub Aimer sur le long terme), toujours dans la constance d’un chant technique, heureusement moins opératique qu’à l’accoutumée.
89 Drop Nineteens Hard Light
Trente ans après National Coma, les cinq Bostonien·nes réapparaissent à la surprise générale. Et c’est comme si absolument rien n’avait changé. En bon Hibernatus noisy pop, le groupe shoegaze reste fidèle à sa ligne artistique originelle qui n’a pas pris une ride : voix mixtes parfois entrelacées, guitares innervées, mélodies accrocheuses, atmosphère brumeuse. Un comeback aussi inattendu que réussi.
88 Grand Blanc Halo
Folk songs dénudées, ballades épurées, mélodies spectrales : jamais le quatuor n’avait autant dépouillé sa musique que sur son troisième album, qui prône l’accalmie, la soustraction, et s’impose comme le parfait négatif des disques précédents. Enregistré entre la Roumanie et la maison du guitariste de la bande, Halo s’autorise de temps à autre la saturation (Pilule bleue) ou les belles orchestrations synthétiques (Cercle).
87 Slauson Malone 1 Excelsior
Nouvelle signature de Warp et fils du célèbre trompettiste Wynton Marsalis, l’Américain signe un second disque riche en expérimentations, parfois complexe, mais hostile à l’idée d’être trop lisse ou attendu. Fabriqué par un crooner qui aime la mise en scène et la dérision, cet album fou exige l’abandon de l’auditeur·rice et se révèle nécessaire pour quiconque prétend rechercher la nouveauté, la prise de risque.
86 Cautious Clay Karpeh
Désormais signé chez Blue Note, le multi-instrumentiste américain expose ses failles, assume son amour pour le jazz et en explore les frontières, avec un peu de folie et beaucoup de compétences. Ludique et sophistiqué dans un même souffle, un subtil mélange de prouesses instrumentales, de confessions intimes et de mélodies, si belles, si amples, si riches musicalement qu’elles chassent les idées noires.
85 Jungle Volcano
Après un disque entièrement tourné vers le disco, la paire londonienne démultiplie ses idées et son groove sur un patchwork s’affranchissant de sa voix. Les deux producteurs se placent en chefs d’orchestre effacés derrière leur création, ne se refusant aucune inspiration tout en se portant garants du son Jungle. Porté par cette idée fixe, rarement le groupe n’aura sonné aussi libre et affranchi des carcans.
84 Travis Scott Utopia
Avec son quatrième album, la superstar de Houston tente de récréer le tour de force opéré avec Astroworld en 2018. Un album gargantuesque, une folie de production remplie à ras bord de collaborations (Beyoncé, The Weeknd, Drake, SZA, James Blake, Kid Cudi, Yung Lean…), mais aussi une entreprise faillible où ce rappeur pourtant pétri d’idées finit par en perdre le fil.
83 The Coral Sea of Mirrors
Toujours aussi cruellement sous le radar, le groupe de Liverpool reste au sommet de son orfèvrerie sur les deux albums qu’il a sortis cette année, en particulier celui-ci, imaginé comme la bande-son d’un western-spaghetti fantasmé. Sea of Mirrors hérite des titres les plus ouvragés et d’arrangements somptueux (Sean O’Hagan des High Llamas est aux cordes) que l’élégante production accompagne de son écrin velouté.
82 Bonnie “Prince” Billy Keeping Secrets Will Destroy You
Ici, les arrangements discrets constituent une corolle aérienne autour du noyau dur – à savoir Will Oldham lui-même, son timbre de voix bouleversant et sa guitare touchée par la grâce. Le titre nous prévient que garder des secrets détruit, mais ce sont en réalité ces chansons d’une beauté mélancolique qui sont de véritables armes de destruction massive, provoquant des tempêtes d’émotions sous leurs atours simplissimes.
81 Jorja Smith Falling or Flying
Lancée à 20 ans par un premier album détonant et sous les louanges de Drake, la Britannique signe un album au cœur soul et confirme qu’elle est désormais prête à voler de ses propres ailes. Démontrant toute son ampleur vocale, ses seize nouvelles chansons reflètent ses humeurs, ses espoirs et ses déceptions, comme les miroirs d’une société à la fois enthousiasmante et anxiogène.
80 Hamza Sincèrement
Après une décennie de carrière, le mélancolique rappeur belge exprime avec cet album des envies de confessions. Il faudrait retirer la virgule à la formule de politesse sur la pochette. Sincèrement, Hamza est un disque sincèrement Hamza, désespérément Hamza, fidèle à la substantifique moelle de sa musique plus sensorielle que littérale, celle d’un formidable metteur en sons et, fatalement, en émotions.
79 Jaakko Eino Kalevi Chaos Magic
Relocalisé à Athènes, le musicien et producteur finlandais reste l’un des plus grands surréalistes de la scène pop électronique avec ce trip synthé-psyché qui réunit des invité·es en or massif (Alma Jodorowsky, Faux Real, Jimi Tenor…). Depuis son premier album en 2015, sa musique fait toujours l’effet d’un songe surréaliste constitué de mélodies merveilleusement zinzins et de rythmes hallucinatoires. Un Chaos Magic qui porte bien son titre.
78 En Attendant Ana Principia
Le quintet parisien ne cesse de confirmer son talent depuis Lost and Found (2018). Son troisième album démontre une surprenante maîtrise, troquant la sauvagerie et le côté lo-fi des débuts contre une belle qualité mélodique et harmonique et laissant le temps à chaque instrument de trouver sa place. Un grand album de pop en clair-obscur.
77 The National First Two Pages of Frankenstein
Avec ses chansons écrites à l’encre vénéneuse et ouvertes aux collaborations multiples (on compte ici quelques invité·es de marque, dont Sufjan Stevens, Phoebe Bridgers et Taylor Swift), le groupe américain a sorti en avril ce neuvième album au moins aussi scotchant que l’indélébile High Violet (2010), suivi cinq mois plus tard de l’épatant album-surprise Laugh Track. Du rock racé, à la beauté parfois sous-estimée.
76 Sam Quealy Blonde Venus
Au croisement de la techno et de la pop, la performeuse australienne fait dans l’audacieux maximalisme. Après le prometteur EP Nightshade (2022), elle persiste dans une veine electro hybride mixant sans scrupules house, gabber, techno, disco, new wave, eurodance. Le tout passé à la moulinette pop par le producteur – Marlon Magnée de La Femme –, qui veille à la bonne digestion de l’ensemble, appréciable ailleurs que sur le dancefloor.
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