En cette année (presque) redevenue normale pour l’industrie musicale, l’indie rock a repris des couleurs, l’hyperpop squatté les charts et le métissage fonctionné à plein. Au programme de cette troisième partie, du n°50 au n°26 de notre top : de grands fatras punk, une revisite de la pop sixties et de l’érotisme à la voix mouillée…
Top 100, mode d’emploi
En cliquant sur chaque titre de nos albums favoris, une nouvelle case s’ouvrira. Rencontres, interviews, critiques, vidéos et portraits se révéleront alors dans ce calendrier de l’avent numérique riche en musiques.
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Si vous avez loupé les épisodes précédents…
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Les 100 meilleurs albums de 2022, n°75 à 51
50 La Femme Teatro Lúcido
Après une tournée estivale triomphale, La Femme propose un trip sonore entièrement chanté dans la langue de Rosalía. À rebours des modes mais fidèle à ses fondamentaux (pop yéyé, rock psyché, electro vintage), le gang biarrot explore des styles bigarrés (reggaeton, paso-doble, movida…) avec des instruments du cru (castagnettes, guitare classique, cuivres…) soutenus par de nombreuses voix féminines hispanophones. Entre mélancolie froissée, classicisme élégant et recoins interlopes, la patte de La Femme est indéniablement présente tout au long de ces treize morceaux. Vivement la suite.
49 Yard Act The Overload
Souvent comparé à Idles, The Fall, Sleaford Mods ou Fontaines D.C., le quatuor de Leeds fait partie de ces groupes qui savent montrer les crocs à grand renfort de phrases définitives sur fond d’anticapitalisme, d’analyses sociétales et de rejet total de la politique conservatrice du gouvernement britannique. Après un premier EP intitulé Dark Days, Yard Act s’impose comme un solide héritier du punk anglais mal coiffé mais en beaucoup plus subtil qu’il n’y paraît grâce à des riffs implacables, un groove nerveux et des textes inspirés. Un coup de froid salvateur, vindicatif et drôle.
48 Black Midi Hellfire
Avec ce troisième album, Black Midi livre d’ores et déjà son album le plus immédiat, perdant en lyrisme ce qu’il gagne en muscles saillants – en témoignent des interludes façon combat de catch. Dans ce grand fatras pétri de références, Hellfire semble composer la bande-son de l’enfer tel que vu par le peintre Jérôme Bosch et procéder d’un prolongement de l’énergie du live quand Schlagenheim consistait en une variation sur des sessions improvisées et Cavalcade un pur exercice de studio. Au final, un album flamboyant, tout à la fois angoissant et réjouissant, viscéral et stimulant.
47 Panda Bear & Sonic Boom Reset
Un Animal Collective (Panda Bear) et un Spacemen 3 (Sonic Boom) s’en sont allés au Portugal enregistrer Reset, un album aux multiples sources d’inspiration, pour l’essentiel issues des sixties (The Everly Brothers, The Zombies ou Brian Wilson). Ainsi, Go On, fondé sur un sample des Troggs, devrait ravir les fans du versant le plus pop du groupe de Panda Bear quand Edge of the Edge laisse entendre la science vocale et mélodique du duo. Entre autres réjouissances, la touchante bluette Danger ou l’épopée synthétique Everything’s Been Loading to This font de ce disque un terrain de jeu infini pour qui l’écoute autant qu’il le fut pour ceux qui l’ont créé.
46 Working Men’s Club Fear Fear
De Kraftwerk aux Chemical Brothers en passant par la new wave et la synthpop aux penchants industriels de Depeche Mode ou Cabaret Voltaire, Fear Fear donne dans l’électronique sans retenue, se voulant aussi complexe et sérieux qu’immédiat et jubilatoire. À son sujet, Sydney Minsky-Sargeant, seul maître à bord de la machine Working Men’s Club, nous confiait alors : “Ce qui m’importe est que ma musique finisse par avoir du sens à l’avenir, qu’on en vienne à l’apprécier pour ce dont elle témoigne.” Bienvenue donc dans le futur.
45 Jeanne Added By Your Side
L’indépendance, la quête de liberté et de désir : voilà le propos du digne successeur de Be Sensational (2015) et de Radiate (2018). Imaginé au printemps 2020, By Your Side a demandé une année d’écriture avant son enregistrement avec Renaud Letang. À l’épure d’Another Place répond le postfunk ludique de Play Again ou les émotions brutes d’Au revoir (car, oui, sur ce troisième album, Jeanne Added dont le rapport au chant “bouge constamment”, manipule davantage le français). Et sans apparat ni fioritures, By Your Side séduit en visant juste, notamment grâce à son amour patent de la pop synthétique et néanmoins organique.
44 Iceboy Violet The Vanity Project
Avec The Vanity Project, Iceboy Violet s’attaque aux us et coutumes du hip-hop, déstructurant ses beats, se tenant à bonne distance de ses codes testostéronés. “Je suis toujours en vie, je survivrai”, éructe-t-il sur Deathdrive. Comme Blackhaine et Space Afrika, autres éminents membres de la nouvelle scène de Manchester, Iceboy Violet assemble des éléments a priori opposés qui font de l’épileptique Antiskeptic et de l’affolé Lilith de réelles sources de plaisir quand d’autres morceaux témoignent d’une fragilité et d’une énergie sidérantes, teintées parfois d’une réelle sensualité.
43 Destroyer Labyrinthisis
Composé aux côtés de John Collins, complice historique de Dan Bejar au sein des New Pornographers, Labyrinthisis cultive un éventail de genres toujours aussi variés dans un dédale de pistes electro ou disco, alliant une écriture fine aux versants dépouillés (The Last Song) à des titres synthétiques dansants (The States) pour autant de compositions fortes (la merveille Eat the Wine, Drink the Break qui s’accroche autant à nos platines qu’à nos tympans) sur lesquelles domine le chant unique et outrancier du Canadien. Un grand disque radical et un nouveau joyau dans la discographie de Destroyer.
42 Beach House Once Twice Melody
En dix-huit titres vaporeux et intemporels, délivrés en quatre chapitres successifs depuis novembre 2021, Victoria Legrand et Alex Scally font une nouvelle fois des merveilles en matière de dream pop où une multitude d’influences (Ennio Morricone, Pink Floyd ou This Mortal Coil) se mêlent et se confondent jusqu’à être aspirées par le vortex de Beach House. “Chaque chanson est un jeu, confie Victoria, un puzzle, une peinture… ou un monstre.” Lequel, plutôt que de bêtement nous effrayer, nous séduit pour mieux nous gagner à sa cause.
41 Toro y Moi Mahal
Sur son septième album en douze ans, Toro y Moi continue, l’air de rien, de prendre la tangente et de multiplier les pistes pour sa musique, accompagné par Ruban Nielson (Unknown Mortal Orchestra), Alan Palomo (Neon Indian), Sofie Royer ou encore The Mattson 2. À la fois pétri d’ambition et complètement décomplexé, Mahal l’installe définitivement comme l’un des artistes les plus cool de sa génération en convoquant notamment le funk défoncé de George Clinton, son héritage philippin et le rock psychédélique pour trousser un de ses albums les plus hétéroclites à ce jour. L’un de ses meilleurs aussi.
40 Kavinsky Reborn
Attendue depuis neuf ans, la suite de OutRun en reprend la matrice pour la propulser dans les années 2020 entre thèmes épiques (Trigger ou l’immense Outsider), ballades futuristes (bouleversant Goodbye avec Sébastien Tellier, sublime Horizon avec Phoenix vocodé) et tubes addictifs (Cameo avec Kareen Lomax, Zenith avec Prudence et Morgan Phalen). Kavinsky convainc aussi par sa science des arrangements panoramiques sous une pluie de cordes tout en entretenant la flamme la plus maximaliste de la French Touch 2.0. À coup sûr, Reborn fait de lui l’outsider le plus talentueux de l’année.
39 Melody’s Echo Chamber Emotional Eternal
“Après la sortie de Bon Voyage, il y a quatre ans, j’étais persuadée que ce serait mon dernier”, nous avait avoué Melody Prochet. D’où l’heureuse surprise Looking Backward, single enchanteur de psyché pop et annonciateur de son come-back inattendu. Deux musiciens suédois issus de Dungen et The Amazing (Reine Fiske et Lars Fredrik Swahn) vont l’accompagner dans ce nouveau voyage aux larges horizons allant du folklore turc à l’ambient. Certes revenue de loin (un accident grave en 2017, quatre années nébuleuses à Paris), Melody Prochet parvient encore à nous emporter avec elle.
38 Drugdealer Hiding in Plain Sight
Amateurs et amatrices de Fleetwood Mac, du folk de Laurel Canyon, du G-Funk, de Woody Herman, prenez une grande respiration avant de plonger la tête la première dans le troisième album de Drugdealer. Écrit pendant le confinement, Hiding in Plain Sight n’aspire à travers Someone to Love ou Valentine qu’à trouver l’amour, le vrai, et à aller voir ailleurs dans un espace-temps élastique qui puise aux sources des années 1970 promptes à l’évasion (chimique, mystique, ludique) pour tartiner de baumes nos cœurs blessés tout au long de l’année 2022. Attention, addiction.
37 Muddy Monk Ultra Dramatic Kid
Depuis son apparition en 2016 avec Première ride, le natif de Fribourg est rapidement devenu l’un des plus captivants espoirs de la pop francophone. Amorcé avec la mixtape Ultra Tape en 2020, Ultra Dramatic Kid confirme le virage radical et bruitiste de Muddy Monk qui trouve un savant équilibre entre romantisme rêveur (Pile ou face) et expérimentation sonore (Intro, audacieux choix de premier single). En continuant à édifier une discographie composite, imprévisible et passionnante, le Suisse confirme qu’il a l’art et la manière de distordre la pop comme personne.
36 FKA Twigs Caprisongs
Majoritairement produite par le décidément omniprésent El Guincho (tout de même ici épaulé par Arca, Mike Dean ou Koreless), Caprisongs est une mixtape musicalement dense où se croisent électronique, dancehall, hyperpop, r’n’b ainsi qu’un casting de guests XXL (Shygirl, Daniel Caesar, Jorja Smith, Pa Salieu, Rema…). Mais Caprisongs est aussi et surtout un projet de l’intime où FKA Twigs explore ses doutes, ses désirs et ses peines à l’aide de techniques d’interprétation variées qui changent d’une piste à l’autre pour mieux coller aux épisodes qu’elle relate.
35 The Reds, Pinks and Purples Summer at Land’s End
Le prolifique Glenn Donaldson (deux albums et un EP cette année, sans compter les rééditions de son side-project Vacant Gardens) se livre avec Summer at Land’s End à une sorte de jeu de variations infimes dans l’écriture et la composition, offrant l’impression d’écouter toujours la même chanson sans jamais donner le sentiment de se répéter. En effet, Summer at Land’s End s’intéresse au méticuleux, aux amours évaporées, à la confrontation du réel et de l’imaginaire dans une torpeur mélancolique venue d’une certaine Californie où il ne fait jamais vraiment froid ni vraiment chaud. Une merveille d’indie pop cotonneuse.
34 Perel Jesus Was an Alien
Coqueluche de la scène électronique, habituée du Berghain berlinois comme du Sónar barcelonais, réputée pour ses lives où elle mélange DJ-sets et performances vocales, compositions et réinterprétations de classiques, Annegret Perel Fiedler a l’art d’hybrider underground et pop, instru et vocaux, envolées maniérées italo-disco et brutalité martiale de l’electronic body music. Pour son arrivée chez le mythique label Kompakt, Perel a signé avec son deuxième album, Jesus Was an Alien, un irrésistible manifeste pour le droit à danser, de la tornade du morceau-titre à Matrix, chevauchée synthpop chargée d’érotisme à la voix mouillée.
33 Jenny Hval Classic Objects
Disons-le d’emblée : avec Classic Objects, Jenny Hval confirme qu’elle est une des plus grandes autrices pop d’aujourd’hui en amenant son discours au milieu des pistes de dance de manière extrêmement intelligente et accessible. Car loin d’être déconnectée du réel, la Norvégienne est une artiste en prise avec le monde qui l’entoure. Ainsi de Freedom et de son chant de guerre (“I want to live in a democracy”) qui sonne comme un appel à la résistance contre la violence politique qui a présidé à cette année 2022. Autant de raisons de rallier la cause de cette poétesse unique.
32 King Hannah I’m Not Sorry, I Was Just Being Me
Si la voix d’Hannah Merrick renvoie à la suavité de Hope Sandoval et leur dépouillement indie aux antiennes viciées de Yo La Tengo, c’est aussi vers Bristol et le blues poisseux de Tricky que se dirigent les premiers pas de ce duo de Liverpool. De plages alanguies et panoramiques (The Moods That I Get In) en miniatures instrumentales (Death of the House Phone), King Hannah fait confiance à la solidité de ses bases pour pervertir en douceur ses séances d’hypnose. I’m Not Sorry, I Was Just Being Me (le morceau comme l’album) ressemble ainsi à une longue marche nocturne dans une ville familière, mais qu’on n’aurait jamais arpentée sous cette lueur. À écouter de jour comme de nuit.
31 Sorry Anywhere But Here
À celles et ceux qui voyaient en Sorry une énième sensation du rock anglais aussitôt oubliée, Asha Lorenz et sa bande répondent avec un nouvel album d’indie pop orchestrale, faussement naïve, joliment nonchalante. S’il faut attendre le quatrième morceau, Willow Tree, pour que Anywhere But Here prenne toute sa dimension, la récompense est à la hauteur de l’attente : la musique de Sorry devient alors immédiatement contagieuse dans la droite lignée du rock lo-fi des années 1990 pour construire la bande-son idéale d’une adolescence éternelle.
30 November Ultra Bedroom Walls
Dans Bedroom Walls, le son volontairement lo-fi contraste avec la voix céleste de November Ultra, qui n’a pas choisi par hasard la terminologie “bedroom pop”. Nous sommes ici entre quatre murs, mais bien au-delà encore, dans la psyché aux multiples variations émotionnelles d’une jeune multi-instrumentiste qui impose une réelle inventivité musicale. Autant dans le folk épuré (Open Arms) que dans les ritournelles synthétiques (Miel ou Le Manège), November Ultra s’amuse aussi avec les machines. “La musique et l’art en général sont des matières qui deviennent mouvantes et vivantes à notre contact”, affirme-t-elle. À l’écoute de l’introspectif Bedroom Walls, difficile de lui donner tort.
29 Bill Callahan Ytilaer
Pour Ytilaer, Bill Callahan entendait secouer, selon sa propre note d’intention, tout ce que son auditoire pouvait avoir en lui d’amour et de colère. Pour nous embarquer dans sa quête d’impétuosité, il a misé sur le souffle des cuivres et surtout des voix : sur la sienne, toujours cousine en suavité grave de celle de Kurt Wagner (Lambchop), mais aussi sur le renfort de tessitures amies, voire du chant des oiseaux avec l’accueillant First Bird. Le pari est largement gagné puisque, avec ce disque intense et généreux, il retrouve sans peine la puissance de séduction de Sometimes I Wish We Were an Eagle (2009) ou Dream River (2013).
28 Fishbach Avec les yeux
“Je suis à la fois contente et étonnée que les gens apprécient ma musique, surtout avec les sons kitsch, les synthés eighties et les solos de guitare que j’utilise ; pour ce nouvel album, j’ai eu une crise de Supertramp, de Vangelis et de glam.” Chez Fishbach, il n’y a pas de demi-mesure, elle creuse profondément son sillon tout en cultivant une variété stylistique à rebours de la tendance disco de la pop française, refusant de choisir entre ses appétences synthétiques (De l’instinct, Démodé) et ses pulsions parfois grandiloquentes (le single clivant Masque d’or, La Foudre). Une singularité et une flamboyance qui font de Avec les yeux un ravissement pour les oreilles.
27 Olivier Sim Hideous Bastard
En dix titres, le premier album solo du chanteur et bassiste de The XX impose une pop maîtrisée, impeccablement produite par son complice Jamie XX, à la fois épurée et baroque sous influence cinématographique. Autre invité de luxe, l’éternel smalltown boy Jimmy Somerville qui intervient à plusieurs reprises tout au long de l’album (“J’avais besoin d’un ange gardien”, nous avait alors confié Oliver Sim). Pour autant, Hideous Bastard est un album infiniment personnel où l’inventivité musicale d’Oliver se déploie tout en mélodies imparables et groove insatiable. Freak et chic.
26 Dominique A Le Monde réel
Vingt-cinq jours de prise avec cinq musiciens qui avaient déjà collaboré avec Dominique A, mais jamais ensemble ; et un fantôme, celui de Mark Hollis, tête pensante de Talk Talk (“J’espérais faire mon Laughing Stock, et j’ai fait mon Colour of Spring”, nous lançait le chanteur majuscule comme piste pour explorer son quatorzième album). Conçu comme une œuvre circulaire avec un titre conclusif qui fait la boucle avec le morceau d’ouverture, Le Monde réel vous happe d’emblée (les sept minutes étourdissantes de Dernier Appel de la forêt) et ne vous lâche plus. Une fois de plus, Dominique A nous rend la lumière, nous rend la beauté…
…À suivre !
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