Elle a à peine 21 ans, et secoue actuellement la scène hip-hop londonienne. Confiante, sereine, solide, Little Simz a rapidement été adoubée par les maîtres du genre, Jay Z en tête, qui a partagé en 2013 sa mixtape « Black Canvas », ou encore Kendrick Lamar, qui a co-signé une de ses chansons.
Un flow incisif, un phrasé bien tourné, des productions soignées qui peuvent rappeler celle d’une Angel Haze : Little Simz possède l’assurance d’une vraie professionnelle. Après plusieurs EPs, la jeune femme a sorti le 18 septembre dernier son premier album, A Curious Tale of Trials + Persons sur son propre label, et en profite par la même occasion pour braquer tous les projecteurs sur cette grande silhouette frêle, qui porte finalement bien mal son nom. A 21 ans, Little Simz a en effet déjà tout d’une grande. Rencontre (après une bonne heure d’attente) avec une jeune artiste confiante, qui ne semble avoir peur de rien.
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Tu as commencé à rapper à un très jeune âge…Comment tout a commencé ?
J’ai commencé à neuf ans comme un hobbie, quelque chose que je faisais pour m’occuper. C’est à quatorze que j’ai décidé de m’y consacrer plus sérieusement. J’ai commencé à sortir certains de mes morceaux, à me faire connaître. Je pense que ces sept années (ndlr : elle a aujourd’hui 21 ans) m’ont permis d’être là où j’en suis aujourd’hui. J’ai juste décidé de rapper pour le reste de ma vie. Je ne voulais plus rien faire d’autre, je ne voulais pas avoir un autre travail, je ne voulais pas bosser dans un supermarché : je voulais juste faire de la musique.
Tu as commencé à t’enregistrer seule, sans l’aide de personne ?
J’ai commencé dans ma MJC, et puis j’ai investi mon argent dans de l’équipement que j’ai ensuite installé dans ma chambre. J’ai toujours travaillé mes parties seule, dans ma chambre. J’avais parfois l’occasion d’aller dans des studios, mais quand j’ai enregistré mon album dans les studios de Red Bull, à Londres, c’était véritablement la première fois que j’enregistrais professionnellement.
Quelles étaient tes influences quand tu as débuté ?
J’adorais vraiment Missy Elliott, et puis je me suis penchée plus tard sur la neo soul, Lauryn Hill, l’afrobeat avec Fela Kuti, le reggae avec Bob Marley…
D’où vient ton nom ?
Mon vrai nom est Simbi. Simz était juste le raccourci de mon prénom, les gens m’appelaient « Simz « . J’étais jeune quand on m’a surnommée ainsi. J’ai pas mal grandi depuis, je me suis posée la question si je devais changer de surnom et puis j’ai décidé de le garder. Cela surprend toujours les gens quand je les rencontre. Cela fait la même chose avec ma musique : les gens semblent étonnés quand ils apprennent que c’est moi, ils ne pensent pas que je sois capable de faire ce genre de musique. On ne devrait pas juger un livre par sa couverture !
Tu as sorti quatre mixtapes, cinq EPs et maintenant ce premier album : comment fais-tu pour être aussi productive ?
Je pense que si quelque chose t’importe vraiment, tu trouves toujours du temps à lui consacrer. Personnellement, je ne me trouve jamais de bonnes excuses. Si j’ai envie de faire quelque chose, je le fais, et puis c’est tout. Je n’ai pas l’impression d’avoir été aussi productive, pour moi cela ne fait pas beaucoup car je travaille constamment. Mon studio se trouve en plus dans ma chambre, je n’arrive jamais à m’en extirper : il est toujours là. Je peux enregistrer à chaque fois que je me réveille à deux heures du matin, tout comme quand je rentre (tard) de soirée.
Quelles sont les histoires que tu souhaites partager dans tes morceaux ?
J’ai envie de transmettre des messages positifs, des histoires auxquelles le public peut s’identifier. J’essaie d’être honnête et de partager mes histoires, de donner de la force aux gens au travers de mes morceaux et spécialement aux jeunes femmes. Je sais que j’ai une voix qu’on écoute mais je n’ai pas envie de considérer cela comme acquis. Je veux l’utiliser pour faire de bonnes choses : cela a toujours été mon objectif, et ce depuis que je suis toute petite.
Tu joues aussi la comédie ?
Dès que je décroche un contrat d’actrice, je dois faire une pause dans ma carrière musicale. Parce qu’être actrice, c’est un vrai échange : des gens comptent sur toi et toi tu dois pouvoir compter sur eux. Tu fais partie d’une équipe. Dans la musique, je suis libre : je suis toute seule, je peux faire ce que je veux dans mon coin. Actuellement, ma carrière musicale se porte bien, je n’ai pas envie de la mettre de côté. Je veux continuer, persévérer, et quand il sera temps ou qu’il y aura une bonne occasion, je retournerai devant la caméra. J’ai envie de garder ces deux facettes.
En 2013, Jay Z, par l’intermédiaire du soundcloud Life + Times, a republié ta mixtape Black Canvas : as-tu vu un impact sur ta carrière ?
Je crois que mon public a considérablement évolué depuis la sortie de Black Canvas : ils ont grandi avec moi. Sur le chemin, entre Black Canvas et mon album, j’ai beaucoup enregistré, un EP, une mixtape, des vidéos… Et sur cette route, j’ai réussi à intéresser de nouvelles personnes. C’est important pour moi de continuer dans cette trajectoire, d’attirer de nouveaux publics dans mon univers.
Tu décris ta musique comme rap et expérimentale : quelles sont les choses que tu souhaites tester ?
Je me sens capable de beaucoup, il y a tellement de choses que je souhaite expérimenter, comme me pencher un peu plus sur les instruments : j’ai envie de rejouer du piano, de la guitare… J’ai envie de chanter aussi, et puis je veux améliorer mon écriture, ma façon de raconter les histoires. Je n’ai pas peur d’essayer de nouvelles choses, de nouveaux sons, de travailler avec des nouvelles personnes.
Tu as travaillé avec de nombreux producteurs : comment les choisis-tu ?
Pour les différents producteurs de A Curious Tale of Trials + Persons, j’avais déjà collaboré avec eux sur des précédents projets : nous avions déjà trouvé notre façon de travailler ensemble. Ils savent ce que j’aime et vice-versa, et ils savaient quelles sonorités je voulais accueillir sur cet album. C’était donc facile, je me sentais à l’aise, et la plupart sont des amis. Pour mon album, j’avais déjà les sons en tête, les ambiances que je voulais. Les seuls capables de m’apporter ce que je désirais sont ces producteurs : je pense avoir pris la bonne décision.
Tu as sorti ce premier album sur ton propre label : était-ce important pour toi ?
C’était très important pour moi de rester indépendante. C’est mon histoire, et je trouve ça plus cohérent d’avoir tout enregistré moi-même, puis de le sortir sur mon propre label. Je ne suis pas contre les majors : je veux juste voir jusqu’où je peux aller en restant indépendante. Si j’arrive un jour à un point où j’aibesoin d’une major pour emmener ce projet plus loin, aucun problème.
C’est difficile quand on est jeune artiste de devoir se débrouiller toute seule ?
Cela peut l’être en effet, surtout quand tu n’es pas bien entourée, ou quand tu ne sais pas vraiment où tu souhaites aller. Tu peux être tiraillée entre plusieurs directions. Mais si tu sais où tu vas, cela peut marcher, uniquement si tu persistes et tu signes. C’est possible. Tout l’est d’ailleurs.
Rien ne semble te faire peur..
Pas vraiment, en fait. Je ne vois pas l’intérêt d’avoir peur. Evidemment, tout le monde craint quelque chose, mais dans ma carrière, je n’ai pas vraiment le temps d’être angoissée. Je dois faire avec. Si je me casse la figure, et bien tant pis, mais je sens que je me relèverais vite.
Kendrick Lamar co-signe un de tes titres de ton album : comment cela s’est passé ?
J’ai rencontré Kendrick Lamar à de multiples occasions, et il m’a souvent parlé de ce qu’il ressentait quand il écoutait ma musique. Je l’ai rencontré pour la première fois à Los Angeles, en studio. Il travaillait sur son album et a pris le temps de me parler. Il était très cool, très terre à terre. Il a dit qu’il était fan de ce que je faisais, que je devais continuer. Il a même fini par le dire quelques temps plus tard sur une chaine de radio.
Tu as aussi travaillé avec Kelela et Dizzee Rascal…
J’ai travaillé avec les deux alors que j’étais à Los Angeles. Je ne sais pas ce qui est arrivé au morceau que nous avons fait ensemble, pour être honnête. Nous n’avions pas l’intention d’en faire tout un plat, de l’enregistrer pour la commercialiser, faire un clip… C’était plus spontané, une envie de faire de la musique ensemble et de s’amuser. Je me souviens que le morceau était très cool, je ne sais malheureusement pas où il se trouve actuellement ou ce qui lui est arrivé… Néanmoins, je sais que ce sont des gens que je vais recroiser régulièrement sur ma route. Actuellement je croise Kelela partout, je ne serais pas surprise de la voir débarquer maintenant… Je la trouve tellement talentueuse, j’aimerais avoir l’occasion de travailler avec elle prochainement. Mais j’attends le moment opportun.
Y-a-t-il des artistes avec qui tu souhaiterais collaborer ?
Kendrick Lamar, James Blake, Chance The Rapper, Kanye West si ce n’est pas trop ambitieux…Il y a plein de gens !
Comment te vois-tu d’ici quelques années ?
Je ne sais pas. J’ai essayé d’arrêter de me projeter dans le futur, car j’ai tendance à ne pas assez profiter du présent. J’étais tellement concentrée sur ce qui allait arriver que j’ai raté pas mal de bons moments. Je laisse mon futur dans l’inconnu. Après tout, ce que je fais aujourd’hui annonce déjà ce que je ferai demain. La seule chose que je sais c’est que dans 10 ans, j’aurai 31 ans.
Travailles-tu sur de nouveaux projets ?
Oui, toujours. Mais je m’amuse en ce moment, je ne me mets aucune pression, je prends le temps, et je fais de la musique dans ma chambre, je chille avec mes potes. J’ai envie d’explorer aussi, de produire, d’aider des jeunes artistes. J’ai envie d’écrire aussi pour les autres. J’ai beaucoup d’envies, mais pour le moment, j’ai juste envie de devenir la meilleure version de moi-même.
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