Longtemps séparés, les deux Norvégiens de Kings Of Convenience déclarent leur dépendance sur un élégant album de folk-songs toujours hantées par les fantômes de la bossa-nova. Rencontre chaleureuse.
C’est, semble-t-il, la formule magique à laquelle on doit, depuis dix ans, le moindre morceau signé Erlend Øye et Eirik Glambek Bøe : “La première moitié de la composition est toujours très rapide, un jour au maximum. La seconde partie, en revanche, peut prendre des années. On ajoute des éléments, des arrangements, puis on attend quelques mois. On réécoute, et la plupart du temps on enlève tout ce qu’on avait ajouté. On ne conserve les éléments que s’ils nous paraissent intéressants six mois plus tard, et non sous le coup de la nouveauté. Si les chansons sont au final plutôt dépouillées sur l’album, elles ont en revanche porté plusieurs tenues avant d’en arriver là.”
L’idée de Declaration of Dependence, le troisième album des Kings Of Convenience, a ainsi émergé il y a bientôt trois ans à Mexico, lors d’une soirée organisée par un ami commun. Jusqu’alors, les deux jeunes hommes ne se voyaient plus beaucoup : des projets parallèles (Kommode pour Glambek, The Whitest Boy Alive pour Erlend Øye) et des kilomètres (Erlend Øye ayant passé plus de cinq ans à Berlin) avaient contribué à éloigner les deux anciens compères. “Nous nous sommes retrouvés au Mexique. Nous nous sommes présenté des chansons et avons commencé à évoquer l’idée du nouvel album, explique Erlend Øye. De mon côté, j’ai eu envie de réhabiliter le concept de dépendance. Le principe d’indépendance est très à la mode depuis trente ou quarante ans, un peu comme le féminisme. Moi je pense que la solitude découle de l’indépendance et de la liberté, et qu’il est beau, au contraire, de dépendre de quelqu’un. Au départ, Eric était le bon chanteur dans le groupe, et ma voix ne fonctionnait pas seule. Aujourd’hui, c’est différent mais je trouve belle l’idée que nous avons dépendu l’un de l’autre.”
Ressortant la recette miracle découverte avec Quiet Is the New Loud en 2001, le duo continue de faire baigner ses folk-songs dans le grand bassin de la bossa-nova, et d’ériger un pont entre les ballades intimistes de l’Angleterre de Nick Drake et le Brésil de João Gilberto, osant même par instants quelques sonorités mandingues (24-25). Parvenant à concilier la chaleur des musiques latines avec l’élégance froide de la pop scandinave (Me in You), ce Declaration of Dependence semble avoir été pensé et conçu avec pour unique objectif de réchauffer les coeurs et les maisons. “Au départ, je pensais que la bossa-nova n’était rien d’autre que du easylistening, puis j’ai appris à voir combien cette musique avait une âme, un coeur.” Eux qui accordent tant d’importance à la nature et à l’environnement seront bien embêtés : avec ce troisième album, les Kings Of Convenience participent grandement au réchauffement de la planète.