En injectant suffisamment de furie, d’astuce et d’écriture dans leur techno, les Propellerheads accueillent 98 avec un torride feu d’artifice. Avec violons et bazooka. Le simple fait qu’on ait fait la fine bouche sur leur pourtant somptueux History repeating (où les Propellerheads se payaient un fantasme adolescent : composer une BO imaginaire et imaginative pour […]
En injectant suffisamment de furie, d’astuce et d’écriture dans leur techno, les Propellerheads accueillent 98 avec un torride feu d’artifice. Avec violons et bazooka.
Le simple fait qu’on ait fait la fine bouche sur leur pourtant somptueux History repeating (où les Propellerheads se payaient un fantasme adolescent : composer une BO imaginaire et imaginative pour la voix garce de Shirley Bassey) en disait assez long sur la hauteur de la barre qu’on avait imposée au duo pour ce premier saut en hauteur. Mais depuis qu’Alex Gifford et Will White nous avaient littéralement dévissé la tête et les certitudes qui y traînaient encore avec quelques singles aux beats infectieux (Dive, Spybreak, Take California), on les avait condamnés à l’excellence, au surpassement. On savait le groupe coriace depuis qu’il avait échappé les doigts dans le nez à un terrible coup du sort, généralement assassin pour un jeune groupe : composer la bande-son d’une publicité internationale. En rebondissant immédiatement après Dive, l’hymne des réclames Adidas, avec un Take California à la sensualité cogneuse, le groupe imposait un ton et un son. Du coup, plus personne ne vit dans les Propellerheads un de ces groupes bimbo d’une seule saison. Soudain, le nom Propellerheads ne faisait plus rire ceux qui avaient eu la malencontreuse idée de se fier à son nom les propellerheads, ces cousins savants des nerds, premiers de la classe californiens qui encombrent Internet avec leurs théorèmes et leurs questions techniques , croyant avoir affaire à d’aimables laborantins, des Chemical Brothers plus portés sur les maths que sur la chimie, sur la physique que sur l’éducation physique. Il y avait déjà là, en une seule chanson immense, tous les ingrédients de ce Decksanddrumsandrockandroll : un orgue qui sert de radiateur pendant que les beatboxes, complètement givrées, distribuent sans discernement caresses ou ramponneaux et qu’une basse, livrée à elle-même, assure le maximum syndical de débauche. Ainsi, les Propellerheads prirent la Californie : à sec, avec frénésie, le corps ne répondant qu’aux amphétamines. Témoins de la scène, Spielberg et Geffen s’empressèrent d’inviter cette bête de sexe et de scène dans leur lupanar : le label Dreamworks, qui n’obtiendra finalement pas la signature espérée mais une distribution déjà promise à tous les triomphes aux Etats-Unis. Car on n’enferme pas une telle furie : trop content de cette liberté et se souvenant de la manière dont l’industrie lourde avait dissous l’effervescence punk (Alex Gifford joua avec les Stranglers, une leçon de vie), les Propellerheads ont farouchement repoussé les avances des multinationales, conservant une fidélité exemplaire en leur label Wall Of Sound qui, plutôt habitué aux pétards (roulés main), se retrouve avec cette bombe dans les mains. Une bombe qui aurait pu sentir le pétard mouillé si le groupe avait écouté les sirènes brassant à pleins poumons l’air du temps : en s’éloignant intelligemment d’un big beat désormais surpeuplé et mal fréquenté, les Propellerheads révèlent ici de nouvelles cordes (violons sur On her Majesty’s secret service, funky-basse louche sur Oh yeah) à leur art. Un titre résume parfaitement la situation : le très seventies Winning style. Effectivement, les Propellerheads ont gagné du style : on les connaissait amoureux de rythmes barrés, on les découvre fanatiques de Barry et de toutes ses jamesbonderies. On les connaissait en nage dans le sportswear, on les surprend en culottes de velours (Velvet pants). Une main tendue vers le triomphe qui pourtant ne prend jamais l’allure visqueuse d’une démission, d’un racolage : car même derrière ces morceaux à l’écoute facile (on hésite, désormais, à parler d’easy-listening), il reste suffisamment d’araignées, de pointes et de vilains jeux de mains (à quatre paluches sur la platine ou sur l’orgue Hammond enragé) pour prouver que les Propellerheads continuent de réfléchir au lieu de fléchir. Sur Bang on!, sur le théâtral Cominagetcha, c’est un véritable plaisir de les voir continuer ainsi de taper comme des sourds (contre les conventions, contre les fûts d’une batterie essentielle, contre leurs mélodies par sadisme et par jeu) alors que tout autre groupe aurait, sur le paillasson de la gloire, sagement décrotté ses godillots avant de se recoiffer au peigne fin. Un plaisir de les voir continuer de prêcher ainsi la bonne parole de Funkadelic Free your mind and your ass will follow. Aux dernières nouvelles, le cerveau n’a pas encore réussi à rattraper le cul, trop occupé sur le dance-floor.
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