Un projet pluriel qui tisse des liens vers les racines et les mondes invisibles de La Nouvelle-Orléans.
La scène se déroule dans une vieille bâtisse de La Nouvelle-Orléans, sur les décombres de l’ouragan Katrina – un mur vert, l’autre en brique, des parquets hétéroclites, quelques fantômes – six hommes entrechoquent leurs tambours, leurs accords et leurs flows, convoquent leurs ancêtres. Leur défi ? Enregistrer, en cinq jours, un disque sous la houlette de la journaliste et productrice Elodie Maillot du label Jarring Effects.
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Big Chiefs
Dans ce lieu se côtoient deux “Big Chiefs”, deux chefs de gang des Mardi Gras Indians qui, à chaque carnaval, honorent les tribus indiennes, pour les remercier de les avoir protégés lors des répressions esclavagistes ; mais aussi HaSizzle, héros de la bounce music, genre electro queer né à Nola dans les nineties ; sans oublier le percussionniste béninois Bonaventure Didolanvi (Orchestre Poly-Rythmo de Cotonou) ; le producteur globe-trotteur David Walters (directeur artistique du projet) et le violoncelliste Olivier Koundouno. Au début de l’aventure éclatent quelques clashs : “Les deux chiefs, deux bad boys un peu conservateurs, regardaient d’un sale œil HaSizzle, l’égérie queer”, se souvient Walters.
Mais par la force de clés communes à chacune de leurs musiques, ils ouvrent des portes, posent sur les sons des machines, les basses du violoncelle, les polyrythmies africaines, leur voix, leurs impros autour du Code Noir. Ils bataillent en hip-hop, balancent des prêches profanes et des textes sacrés. “On enregistrait 24h/24 tout ce qui se passait dans cette maison hantée. C’était le KGB !”, en rigole encore David.
Suave et électro
Le résultat : Nola Is Calling, assorti d’un documentaire de cinquante-deux minutes tient du miracle. Un disque de racines, qui porte en son sein l’humidité marécageuse de La Nouvelle-Orléans, sa beauté africaine, sa luminosité, ses silences et ses oiseaux. Mais aussi un ovni qui décolle vers des mondes invisibles : un hip-hop suave et electro, un carnaval déconstruit tissé d’échos futuristes et de murmures du passé, une transe urbaine traversée de vaudou. L’album s’appelle Sewing Machine Effects, (“Les effets de la machine à coudre”) : un titre qui colle à la peau de ce disque cousu main dont l’assemblage engendre le costume le plus fou, ce cri d’amour à Nola. David Walters conclut : “HaSizzle était toujours escorté de deux-trois meufs discrètes en minishorts qui buvaient des milkshakes sur le canapé. Tu ne les entendais jamais, mais quand le morceau était en place, elles se levaient, dansaient, remuaient leurs fesses : on était bien dans leurs codes, dans leurs clés… Chez elles.”
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