En plein milieu du marathon des Trans Musicales de Rennes, on avait trouvé un moment pour se poser avec Ernest Green, créateur de Washed Out. L’Américain s’est confié sur les derniers événements qui ont rythmé sa carrière : nouveau label et nouvel album aussi bon à écouter qu’à regarder.
Après une courte première nuit rennaise, ou une longue soirée de concert, on rencontrait l’américain Ernest Green à l’Espace Liberté. Trop tard pour des croissants et trop tôt pour une bière, c’est donc autour d’un café (allongé) que l’on a entamé la discussion. Lors de cet échange, la tête pensante de Washed Out est revenue sur son amour pour le hip-hop – normal, le bonhomme a grandi à Atlanta –, sa musique désormais plus teintée house que son habituelle chill-wave et, bien sûr, sur cette longue entreprise qu’est la confection d’un album 100% visuel (il aura mis trois ans à le composer).
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Comment ouvrir l’entrevue sans parler du changement de maison de disque d’Ernest Green ? Impossible. Après avoir passé “du bon temps” chez Domino, “ce super label rempli de personnes talentueuses” où il a sorti ses deux précédents albums (Within And Without en 2011 et Paracosm deux ans après), “le temps était venu de changer de structure”, tout comme de producteur. Exit donc Ben Allen et Domino, au profit du prestigieux et varié Stones Throw Records, haut-lieu du hip-hop – celui de feu J Dilla, ou de Madlib, génie du rap indé – et aussi repaire de pépites pop, les potes de Mild High Club en exemple.
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Stones Throw Records et l’amour du hip-hop
Pour comprendre ce choix, l’Américain invoque deux raisons bien particulières. D’abord, cette fierté d’être désormais sous la même bannière que ses idoles, lui, cet “énorme fan de Madlib et de J Dilla” qui, lorsqu’il commençait à “écrire les premières chansons du projet Washed Out, [écoutait] en boucle leur musique”. Aussi, parce que le processus de création de son nouvel album repose presque entièrement sur les samples, « la technique que ces artistes utilisaient chez Stones Throw”.
“C’est une maison complètement appropriée pour mon nouveau disque”, avoue-t-il. Le sujet du hip-hop – l’une de ses passions – dorénavant sur la table, Ernest Green précise : “Tu sais, j’ai grandi à Atlanta, qui est l’un des berceaux du genre”. Avant d’étoffer :
“Vers 18 ou 19 ans, j’étais vraiment à fond là-dedans. Dans la création de productions aussi. Cette musique m’a beaucoup marqué. Elle continue de le faire encore maintenant, avec la trap par exemple. Mais ce qui est drôle, c’est qu’avec Mister Mellow, j’ai fait le choix d’aller à l’opposé de cette mouvance trap, dont les instrus restent finalement très minimalistes. J’étais plus dans un mood à la Awful Records”
Avec cette réponse, l’envie de demander à Ernest Green si une collaboration avec un artiste du genre est envisageable pointe le bout de son nez. “Oui, ça serait fou. Et maintenant, avec les connexions du label, les chances pour que ça se réalise sont élevées. J’ai toujours été plus à l’aise pour faire des instrus, plutôt que d’écrire des textes et avoir des mélodies. Ça serait plus facile pour moi d’être le producteur de l’ombre. Peut-être que je m’orienterai sur cette voie pour la suite”. Bien noté, on garde ça en tête !
Le shoegaze comme modèle de chant
Quand il est Washed Out, Ernest Green n’est pas qu’un producteur. Il revêt aussi les costumes de songwriter et de chanteur. Pour ces rôles, il puise son inspiration dans une toute autre discipline : “Les paroles que j’écris sont plus similaires à ce que l’on peut trouver dans l’indie-rock et le shoegaze. Le shoegaze est même une inspiration directe de Washed Out. Je ne me suis jamais considéré comme un chanteur, et dans ce style, les voix des artistes sont souvent recouvertes derrière des effets imposants”.
Pour Mister Mellow, Washed Out s’est dirigé vers “un son plus house, tout en reprenant la formule d’une chill-wave qui n’en est pas vraiment une”. Le titre Get Lost, avec son piano “assez violent” et “ses backs très noises” sont un bon indicateur. Cette direction se confirme, il suffit d’écouter I’ve Been Daydreaming My Entire Life, Hard to Say Goodbye, ou bien Zonked. L’idée qui se cache derrière cette analogie est de “représenter cette sensation très urbaine d’être entouré par le bruit et le chaos”. Oui, avec ce dernier album, le calme plat qui s’échappait de Paracosm, qu’il enregistrait retiré en pleine campagne, semble bien loin.
Un album qui s’écoute et qui se regarde aussi
En plus d’avoir “incorporé des nouveaux éléments musicaux tout en restant reconnaissable” l’Américain a peaufiné son projet en lui donnant une identité visuelle. Et cet univers se dévoile au fil des morceaux de l’album : tous sont accompagnés d’une vidéo, qui se dessine en stop-motion. Cette démarche est née de l’union de deux disciplines artistiques :
“Quand j’ai commencé à travailler sur Mister Mellow, je suivais beaucoup ce qui se faisait dans le monde de l’animation. J’avais aussi cette idée de construire mon album autour du sampling. C’est là que je me suis rendu compte qu’il y avait énormément de points communs entre l’animation et le sampling, évidemment cette idée d’assembler des petits extraits de choses entres eux. J’ai commencé à contacter pas mal d’artistes visuels de mon entourage pour donner vie au projet. Cela a été long et il a fallu beaucoup de patience, mais le résultat est extrêmement fidèle à ce que nous voulions.”
L’appétence d’Ernest Green pour créer ne s’arrête pas là. Le chanteur a également imaginé toute une scénographie pour accompagner l’expérience live. “J’ai toujours pensé que la vidéo pouvait révéler certains éléments sonores. C’est particulièrement le cas avec ma musique et pour ce nouvel album. Il y a tellement de couches, et de petits sons en arrière-plan qu’il n’est pas facile d’entendre. Dans une configuration où la vidéo coïncide avec la musique, elle permet justement de les rendre perceptibles.” On y était, et on vous propose de (re)lire le compte-rendu de son show, aussi agréable pour les yeux que pour les oreilles, bien entendu.
Mister Mellow est disponible sur Apple Music. Vous pouvez regarder la totalité des clips de l’album en cliquant sur ce lien.
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