Fascinants à force de clinquant et de grandiloquence, les KILLERS continuent de piller la pop anglaise
Il y a d’abord eu en guise d’amuse-bouche l’inénarrable Human, convoquant avec aplomb Alphaville et la trance belge, et surtout posant la question existentielle du moment, “sommes nous humains ou sommes nous danseurs ?” (qui serait tirée d’une citation d’Hunter S. Thompson – chez les Killers, on n’est pas inculte). Ce premier single laissait craindre le virage eurodance d’un groupe qui aurait poussé son européanophilie totalement à bout (de forces).
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Fort heureusement ce sont d’autres époques et une autre région du vieux continent que le quatuor revisite dans ce troisième album. C’est Roxy Music époque Virginia Plain (Londres, 1972) qui inspire tout d’abord les Killers, avec un premier morceau, Losing Touch au saxophone sombre et discret. D’autres bribes de pop anglaise sont ensuite égrenées au fil de Day & Age, comme la basse de New Order (Spaceman), ou un emprunt au tube sixties Concrete and Clay dans I Can’t Stay.
Brandon Flowers enfile aussi avec élégance le petit pantalon blanc à pinces de Simon Le Bon (Duran Duran, période Rio) et la veste toujours impeccable de Robert Palmer, dans quelques morceaux au chic yuppie (The World We Live in, Joy Ride…), beaux comme James Spader dans Pretty in Pink. Tout y est : basse clinquante, touches d’exotisme toc, saxo romantique en sourdine, synthé nouveau riche et production parfaitement lisse de Stuart Price…
Cette débauche d’influences, dont on aimerait parfois ne pas se souvenir, serait totalement indigeste si elle n’était pas habilement retravaillée à la sauce Killers. Tout d’abord, ils s’approprient l’héritage pop anglais avec plus d’ambition et de brio que n’importe quel groupe britannique d’aujourd’hui. Leur total manque de second degré et d’ironie les sauve: ils ont une naïveté face à leurs références et une honnêteté dans leur songwriting qui leur évitent une risible posture arrogante ou postmoderne. Ils n’ont ensuite en rien perdu de cette fabuleuse capacité à articuler les boucles, les ponts et les refrains accrocheurs pour en faire des chansons à tiroir, dont chaque écoute révèle une nouvelle astuce. Enfin, Brandon Flowers chante mieux que jamais et porte les mélodies avec grâce .
Car c’est peut-être par là que pêche Day & Age. Sans même parler de l’ennuyeuse ballade de fin d’album, si les morceaux comprennent de joyeuses mesures instantanément gravées dans la mémoire et fredonnables, ils leur manquent ce souffle grandiose auquel les précédents Hot Fuss et Sam’s Town nous avaient habitués. Avec la sortie simultanée de Day and Age et de Chinese Democracy de Guns & Roses, ce n’est certes pas une grande semaine pour la sobriété et le bon goût, mais à chacun ses plaisirs honteux.
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