Avec des morceaux composés pour la scène et l’image, Louis Sclavis livre quelques fragments d’intimité. Jazz Louis Sclavis est un bûcheur. Qu’on ne se méprenne pas, c’est une qualité (et ça ne sous-estime pas le talent, la vie n’est pas si simple !). Tout ce qu’il possède aujourd’hui, il l’a conquis patiemment à force d’ambition, […]
Avec des morceaux composés pour la scène et l’image, Louis Sclavis livre quelques fragments d’intimité.
Jazz Louis Sclavis est un bûcheur. Qu’on ne se méprenne pas, c’est une qualité (et ça ne sous-estime pas le talent, la vie n’est pas si simple !). Tout ce qu’il possède aujourd’hui, il l’a conquis patiemment à force d’ambition, de travail, de volonté, d’une réelle abnégation. C’est son parcours. Il s’en réclame. Et finalement toute la force de sa musique vient de cette lutte obstinée, de ce corps à corps incessant avec la matière, les éléments rarement favorables elle y a gagné en muscle, en caractère, en persévérance. Pourtant au fil du temps, succès aidant, Sclavis s’est vu, un peu malgré lui, beaucoup par complaisance, attribuer la place laissée en partie vacante fin des années 80 de représentant le plus acceptable par l’establishment d’une certaine modernité tempérée, repérable et fédératrice, une sorte d’alibi moderniste pour les festivals, d' »avant-garde » institutionnelle…
Et il s’est laissé prendre au jeu de dupe, s’est aveuglé au miroir qu’on lui tendait (« Dis-moi que je suis le plus beau… » comment résister quand c’est précisément ce à quoi on aspire ?) : sa musique a perdu en engagement (Sclavis est fondamentalement un musicien physique, sensuel, instinctif…) ce qu’elle gagnait en sophistication, un maniérisme pesant à force de vouloir paraître léger et « détaché » s’est substitué à l’épaisseur et à la spontanéité du geste. Sa musique s’est désincarnée une sorte de palais des glaces, sans rien à refléter. Même lorsqu’il revenait à des formules orchestrales plus simples, à des conceptions musicales plus directes, Sclavis semblait comme loin de lui-même, égaré dans l’infini de ses reflets… Et puis surprise, ce disque, comme pour nous rappeler précisément sa présence. Sur un mode mineur, ces piécettes de circonstances composées à l’occasion de collaborations diverses avec des chorégraphes, des hommes d’images ou de théâtre, imposent insidieusement une image paradoxale, à la fois fragmentaire, éparpillée et extrêmement cohérente, comme si cette musique « à programme », contrainte (par l’image, la scénographie, la chorégraphie), révélait soudain dans l’humilité même de son projet, dans la simplicité de sa facture, dans sa « fonctionnalité », une intimité jusqu’alors contenue. Il y a là quelque chose d’artisanal et de fondamentalement spontané, une fraîcheur jusque dans le cliché ou la facilité, une évidence mélodique, une poésie populiste (l’accordéon, la danse, la ritournelle…) clairement assumée et au bout du compte une douce et profonde mélancolie, comme une couleur sépia omniprésente qui finit d’orienter l’ensemble du côté de la mémoire (personnelle et collective) et de la nostalgie.
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