En 1991, le photographe Kirk Weddle est choisi par DGC Records pour shooter la pochette de “Nevermind”, devenue l’une des plus iconiques de l’histoire du rock. Il nous raconte l’envers du décor.
Vous avez réalisé deux séances photos, une pour la couverture, avec le bébé, et une pour les images de presse, avec le groupe…
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Oui, la prise de vue du bébé a eu lieu deux mois avant, dans une piscine olympique. J’avais demandé à un ami de me “prêter” son nouveau-né, et après avoir calé le cadrage et la lumière avec une poupée, on a immergé le vrai bébé, donc je n’ai pas eu beaucoup de prises – et on a rajouté le hameçon et le billet en postproduction.
Si vous deviez refaire la prise de vue du groupe aujourd’hui, feriez-vous les choses différemment ?
Je ferais tout différemment. J’étais jeune, j’avais 28 ans, je ne savais pas gérer les célébrités. Autant pour le bébé c’était simple : juste moi et un nouveau-né, pas d’agent, pas de directeur artistique, personne du label, pas de producteur.
En revanche, quand j’ai photographié le groupe, je n’avais pas beaucoup de budget pour mettre en place une production sérieuse, donc j’avais une piscine pourrie, une météo pourrie et un groupe en tournée dans un créneau horaire matinal. Je n’avais aucune idée que ça ne se faisait pas. Les gens du label me demandaient : “Où est le traiteur ? On boit quoi ?”, et Kurt me disait : “J’aime pas cette piscine, j’aime pas nager.”
Aviez-vous beaucoup de contraintes venant du directeur artistique ?
Pour l’album, c’était simple, un concept fort, facile à réaliser. Pour le groupe, on m’a juste dit : “Fais en sorte qu’ils aient l’air cool.” Mais c’est vraiment difficile de prendre en photo trois personnes sous l’eau : il y en avait toujours un qui flottait près de la surface, un autre au fond… En gros, tout ce qui aurait pu mal se passer s’est mal passé. Dès son arrivée, Kurt est allé faire une sieste, l’eau était un peu sale, la piscine était dans une résidence abandonnée, on n’a même pas filmé la prise de vue !
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Vous-a-t-on réclamé des prises de vue similaires après ça ?
C’était dur, car après avoir réalisé la pochette de l’album, j’étais la coqueluche du label, leur dieu, ils m’adoraient, me donnaient plein de projets. Mais après la prise de vue du groupe, tout le monde m’a détesté, on m’a dit que je ne travaillerais plus jamais dans l’industrie. En fait, la technologie de l’époque, avant Photoshop, a fait que les images, prises en 35 mm, manquaient de contraste. Résultat, j’ai laissé ces diapos dans un placard pendant vingt ans. Quand je les ai ressorties, j’ai pu un peu corriger la saturation et les revoir différemment.
Vous avez un projet de livre sur cette prise de vue ?
Oui, il sort pour les 30 ans de Nevermind, en septembre.
Nirvana: Never Mind the Photos de Kirk Weddle (ACC Art Books). En librairie en septembre 2021
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