Seize ans de carrière et cinquième album au groove dément pour les Américains de !!!, qui signent avec Thr!!!er la cure de jouvence des boums de 2013. Critique et écoute.
Je me rappelle qu’à nos débuts on avait joué avec un groupe qui existait depuis des années, et l’un des mecs nous avait dit : ‘Vous verrez, c’est marrant de voir les enfants des autres membres du groupe grandir.’ Quinze ans plus tard, on en est là. On a eu des enfants, on a perdu des gens aussi… On n’est plus le même groupe mais on a grandi ensemble. On est une famille.” Cette déclaration pourrait sonner comme le pire des clichés si elle ne provenait pas de la bouche de Nic Offer, 41 ans, chanteur du groupe le plus dur à googler du monde : !!! (ou encore Chk Chk Chk, prononcer “tchik tchik tchik”).
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Avec plus de quinze ans de carrière au compteur, et presque autant passés ensemble enfermés dans un tour bus, on ne doute pas que les Américains, fussent-ils éparpillés à travers le pays – trois vivent à New York, un à Portland, un autre à Pittsburgh et le dernier en Californie –, forment un gang uni dont les relations désormais paisibles se rapprochent de celles de frères de sang. “Après autant d’années, on a appris à manoeuvrer et modifier les humeurs de chacun. On sait que telle ou telle personne va réagir de telle ou telle façon à une chose donnée. C’est facile ensuite de désamorcer les crises”, confie leur leader, comme pour confirmer que chez !!! le calme règne. Du moins en apparence.
Ils semblent en effet bien loin les premiers pas électriques des jeunes punks de Sacramento, lorsqu’on rencontre Offer. Le grand gaillard ne sort ni d’une nuit blanche, ni d’une rave, mais de son footing matinal. S’il a troqué provisoirement son outrageux short de scène contre un beau costume d’adulte (celui qu’il portait au mariage de son frangin, nous dit-on), on sent pourtant frémir derrière la chemise blanche bien repassée un sens du n’importe quoi juvénile jamais vraiment dompté. En témoignent les concerts complètement cinglés du groupe à la réputation scénique légendaire. Derrière ses faux airs de Marsupilami sous acide, Offer y recrée, à grand renfort de bonds et de chorégraphies désarticulées, une cérémonie déglinguée où sueur et vomi de substances pas franchement légales coulent à flot.
Bonne nouvelle : il sera bientôt l’heure de perdre quelques kilos au concert des doux dingues Américains, qui reviennent enfin avec Thr!!!er, cinquième album baptisé ainsi en pied de nez aux journalistes musicaux, ricane Nic. “Quand on fait un album, on a toujours l’impression et l’intention de faire un album culte, notre Thriller. On en est convaincu jusqu’à la sortie du disque, et quand les chroniques tombent, les critiques disent que non, tu n’as pas fait un nouveau Thriller. C’était une bonne façon de les rouler.”
Enregistré au Texas dans des conditions qu’Offer décrit comme “idéales”, le successeur du génial Strange Weather, Isn’t It? s’affiche comme une assertion catégorique du groupe : la fête n’est certainement pas finie ; elle ne fait même que commencer. Plus structuré encore que son prédécesseur grâce au fin travail de production de Jim Eno de Spoon, Thr!!!er révèle une volonté de précision, d’efficacité, une obsession permanente pour le beat juste, celui qui vrille les sens et rend maboul.
D’Even When the Water’s Cold, ouverture tubesque au riff qu’on aura peine à se déloger du cerveau sans pied-de-biche, à la tout aussi entêtante bombe electro Slyd, avec une flopée de chanteuses (Teresa Eggers, Erika Wennerstrom des Heartless Bastards) ou la moitié de Simian Mobile Disco (Jas Shaw sur Get That Rhythm Right), Thr!!!er s’applique à faire groover, onduler, danser frénétiquement.
Il n’y a pas de place pour le silence dans le nouveau cru de !!!, pas de temps mort pour reprendre sa respiration : on entend dans chaque titre une envie d’allumer la mèche sans souci des conséquences, un besoin de combattre les années par la dance jusqu’à ce que toute velléité de grandir soit écartée. Jusqu’à ce que l’ennui s’éloigne, diront certains. “Même mon dentiste fait ce boulot pour lutter contre l’ennui, alors qu’il aurait pu prendre sa retraite depuis longtemps. Si c’est vrai pour mon dentiste, je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas mon cas”, lâche Offer dans un rire. On ne le contredira pas : plus fort que la crème antirides, il y a !!!.
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