Il aimait Ponge et Nat King Cole, les faucilles et le strass, dormir et ratisser. Les profils découpés en caoutchouc, les corps étendus sur une ardoise. Peindre des paillassons, coller au mur des étoiles en papier, sculpter des têtes de loup et des cartes postales. Daniel Tremblay (1950-1985) savait se définir comme un “sculpteur de […]
Il aimait Ponge et Nat King Cole, les faucilles et le strass, dormir et ratisser. Les profils découpés en caoutchouc, les corps étendus sur une ardoise. Peindre des paillassons, coller au mur des étoiles en papier, sculpter des têtes de loup et des cartes postales. Daniel Tremblay (1950-1985) savait se définir comme un « sculpteur de bas-relief » : « C’est une chose qui se regarde comme une peinture, mais (…) qui relève de la sculpture car c’est la position que l’on prend qui détermine l’oeuvre.« Il savait aussi parler de l’importance de la dérision, de l’aspect ludique, de la manipulation dans son travail. De son désir de « trouver dans les objets, les matériaux, des aspects qui montrent une autre vision des choses, plus poétique, c’est-à-dire par modification légère et sans en changer la fonction originelle, leur ouvrir d’autres dimensions émotionnelles ». Par une sorte de discrétion qui rejoint la modestie de ses matériaux de départ, et même de ses oeuvres achevées, rarement dotées d’un titre, presque aucun des cartels n’explicite la technique employée par l’artiste. Des Chanteurs de blues (1982), on saura seulement ce qui les constitue : « Linoléum, corbeaux ». Mais un lino façon ardoise, et des corbeaux dont il a coupé la tête plutôt que de leur clouer le bec. Même, il leur en ouvre un plus grand en en faisant d’improbables et dodus hybrides d’oiseau et de poisson. Où dénichait-il ces volatiles artificiels, est-ce parce que leur matière évoque celle de palmes de natation qu’il les mâtine de créatures aquatiques ? La rétrospective prouve sa maîtrise d’un vocabulaire à la portée de tous mais non sans portée, son économie de moyens, mais surtout son irréductible fantaisie. Quelque chose d’à la fois mélancolique et gai, d’un peu triste et d’heureux, d’assez serein sans jeu de mots. Daniel Tremblay voyait certaines de ses oeuvres « comme des trous sombres sur les murs blancs. Ils ressemblent à la nuit et je peux y accrocher des reflets. » L’artiste est mort il y a juste dix ans, accidentellement. Sa Sieste éternelle (1983) apparaît dès l’entrée. « J’aime pas les choses définitives mais il y a quand même quelque chose de l’éternité qui me plaît beaucoup. Je ne sais pourquoi mais… Vraiment qu’on ne soit plus emmerdé quoi ! » Quant à Raven’s Blues (1983), comédie musicale à elle seule avec son dormeur dans l’herbe sous une lune jaune vif et ses corbeaux-choristes en frise juchés sur des bottes en plastique, on l’entend sans peine.
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