On s’était préparé au pire, on se retrouve bluffé…
En allant voir Daniel Johnston au Café de la Danse dimanche soir, on
s’attendait à un concert déconcertant et on s’était préparé au pire tant on
savait le personnage instable. Le pire, c’était cette première partie
navrante, niaise et molle, qui a ennuyé la salle pourtant remplie
d’enthousiastes assis. L’arrivée du chanteur un peu foutraque se fait
attendre : sa silhouette et sa démarche balancée rappellent celle de Michael
Moore, la caméra DV se transformant en guitare cheap et le cynisme en
émotion. Sa solitude autiste et le refus de tout décorum annonce la couleur
: le concert sera comme un de ses dessins en noir et blanc où des super
héros à la musculature monstrueuse clament des grandes et belles vérités sur
l’amour. Muni d’une guitare sur laquelle il joue avec l’application d’un
jeune écolier, il entonne de façon volontaire, bizarrement assurée et
zozotante un chant imparfait qui déraille mais qui atteint néanmoins son
but. Consciencieux certes, mais peut-être pas tout à fait conscient, Daniel
Johnston joue accoutré d’un pauvre jogging gris clair flasque et de baskets
blanche montantes comme ces vieux qui s’apprêtent à faire un long trajet en
car avec plein d’autres vieux. Ce voyage-là est court ? 45 minutes ?, et la
commodité de la tenue tranche avec l’inconfort assumé vis-à-vis de
l’exercice. Le pupitre avec les paroles des chansons, le rituel du coca-cola
entre les chansons ou le soin apporté au rangement de la guitare dans son
étui sont autant de soutiens stables au songwriter. Pourtant, une fois
lancés, les morceaux, la plupart extraits de « Fear Yourself » émeuvent et
bluffent un spectateur, toujours assis, habitué à l’héroïsme conventionnel
des groupes de rock. Les chansons au piano (« You Hurt Me », « Love
Enchanted ») paraissent plus envolées encore, même si demeure cette
impression dérangeante d’être face à un beauf génial en survêtement. Le
concert dépouillé et déraisonnable de Danny est pour le moins paradoxal :
ballotté entre la fascination et la désolation à la vue du personnage, entre
la plénitude de la musique et la solitude de cet homme vieilli et en mal
d’amour, le spectateur ne peut se rattacher qu’à une seule certitude, la
mélodie Johnston.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
{"type":"Banniere-Basse"}