Après The Hard stuff, album de la résurrection, il restait à Wayne Kramer le plus difficile à négocier : la confirmation. Mais considérer Dangerous madness comme un deuxième disque le plus ardu d’une carrière s’apparenterait quasiment à du révisionnisme. Après ses années de maquis au sein du MC5, ses stages au fond du […]
Après The Hard stuff, album de la résurrection, il restait à Wayne Kramer le plus difficile à négocier : la confirmation. Mais considérer Dangerous madness comme un deuxième disque le plus ardu d’une carrière s’apparenterait quasiment à du révisionnisme. Après ses années de maquis au sein du MC5, ses stages au fond du gouffre ou en prison, il serait étrange même si l’on peut valider l’idée d’un second départ qu’un vieux briscard aguerri à toutes les joutes marginales tombe dans la première chausse-trappe venue. Et c’est clair, on ne lui coupera plus les jarrets comme à de la bleusaille. Mieux encore, c’est une sorte d’autobiographie qu’il nous est donné de feuilleter aujourd’hui. Pas de troubles de croissance donc. Pas de problèmes de direction ou d’inspiration non plus. Juste le repli d’un homme sur ses plus solides acquis. Si The Hard stuff était une sorte de parrainage, un tribut en retour à l’attention de toute sa descendance, Dangerous madness est plus introspectif. Wayne Kramer y retourne tout le grenier de sa mémoire, jusqu’à tomber sur le plus fidèle miroir. Du coup, il endosse tous les rôles, ne laissant que quelques vagues strapontins à un batteur et à une poignée d’invités (dont l’improbable Terence Trent d’Arby). De ce journal intime resurgissent toutes les structures rigides qui échafaudèrent la charpente du légendaire son de Detroit. Entre les poutrelles sobrement métallisées de l’éponyme Dangerous madness ou Exit 97 et le blues asphalté de Something broken ou God’s worst nightmare, le disque ressemble à cet ombilic, à cette césure entre deux pics de la pantomime, qui unit quelques mois les années 60 et 70. Mais jamais le goût d’un passé suranné n’empiète sur la mélancolie bien présente de cette galerie de réminiscences. Comme toujours, le temps embellit et trie les souvenirs jusqu’à leur conférer une existence autonome et actuelle. Le patriarche raconte sa vie, pas forcément rose, et en tire un album à l’avenant, résumé par la mélopée douce-amère de Back to Detroit et les dérapages artificiels de Dead man’s vest. Il aura donc fallu trois décennies à Wayne Kramer pour retomber sur ses pieds. Nous aurions pu diagnostiquer cent fois la mort clinique, mais nous avons bien fait de nous abstenir.